Conseil d'Etat - Section des Travaux Publics : avis n° 357 397 du 16 mai 1995

Le Conseil d'Etat (Section des travaux publics),

saisi par le ministre de l'Agriculture et de la Pêche d'une demande d'avis portant sur la question de savoir dans quelle mesure il y a compatibilité entre le classement de la forêt de Fontainebleau comme forêt de protection et le maintien d'activités de recherche et d'exploitation pétrolières,


Vu le code minier, et notamment ses articles 1er, 2, 9 et 26 ;
Vu le code forestier, et notamment ses articles L. 411-1, L. 412-1, L. 412-2 et R. 412-14 ;

Est d'avis de répondre à la question posée dans le sens des observations qui suivent :

Aux termes des dispositions susvisées du code minier, les titulaires de permis de recherches et les concessionnaires de concessions d'exploitation d'hydrocarbures tiennent de la loi des droits à la poursuite de leurs activités dans les conditions que précisent ces dispositions.
Cependant, selon les dispositions de l'article L. 412-2 du code forestier « Le classement comme forêt de protection interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements » et, aux termes de l'article R. 412-14 du même code « Aucun défrichement, aucune fouille, aucune extraction de matériaux, aucune emprise d'infrastructure publique ou privée, aucun exhaussement du sol ou dépôt ne peuvent être réalisés dans une forêt de protection à l'exception des travaux qui ont poser but de créer les équipements indispensables à la mise en valeur et à la protection de la forêt et sous réserve que ces ouvrages ne modifient pas fondamentalement la destination forestière des terrains ».
Tout d'abord, il n'apparaît pas que le classement en forêt de protection de la forêt de Fontainebleau envisagé par le gouvernement et non encore intervenu à ce jour puisse faire échec aux droits que tiennent les sociétés pétrolières de leurs permis de recherches ou de leurs concessions d'exploitation à raison des forages de recherches et d'exploitation actuellement existants.
Pour l'avenir cependant, l'ouverture de nouveaux forages de recherches ou d'exploitation, qui nécessitera d'effectuer des défrichements et d'implanter des infrastructures spécifiques qui n'ont nullement pour objet la protection ou la mise en valeur de la forêt, apparaît ouvertement contraire aux dispositions précitées de l'article R. 412-14 du code forestier, dans l'hypothèse, bien entendu, où la forêt de Fontainebleau aurait, entre temps, été classée comme forêt de protection*.
Cette situation résulte de ce que les deux législations en cause rappelées ci-dessus ont été élaborées parallèlement et indépendamment l'une de l'autre et ont pour objectif la protection d'intérêts publics qui peuvent effectivement se trouver en opposition : d'une part l'intérêt économique d'exploiter les ressources en hydrocarbures qui se trouvent dans le sous-sol de notre pays, d'autre part l'intérêt écologique et social de protéger les forêts françaises, spécialement quand il s'agit d'une forêt de la région parisienne particulièrement remarquable comme l'est la forêt de Fontainebleau. Il s'agit de savoir dans quelle mesure ces intérêts contradictoires peuvent être conciliés sans qu'il soit porté à l'un des deux une atteinte excessive qui conduirait à constater qu'il n'est plus sauvegardé.
A cet égard et en l'état des informations fournies à la Section par les commissaires du gouvernement, il apparaît que le projet de recherches pétrolières envisagé par le gouvernement en forêt de Fontainebleau et qui permet, grâce au recours à la technique des forages déviés, d'opérer une couverture suffisante de la forêt tout en ouvrant un nombre de forages limité qui serait en tout état de cause inférieur à la dizaine, permettrait, compte tenu de la faible superficie occupée par chacun de ces forages (de l'ordre de 1 à 2 hectares) au regard de celle de l'ensemble de la forêt de Fontainebleau (25 000 hectares), d'opérer de manière satisfaisante la conciliation des deux intérêts publics à préserver sans qu'aucun d'eux soit compromis dans une proportion inacceptable.
Il conviendrait toutefois, pour traduire juridiquement cette conciliation et éviter toute violation directe de la législation qui régit les forêts de protection, d'exclure du périmètre du classement l'emprise des plate-formes de forage en cause en indiquant de façon précise leur emplacement et en exposant clairement à l'enquête publique les raisons de cette exclusion, étant entendu qu'à la fermeture de ces forages et après remise en état des lieux, la réintégration de leur emprise dans la forêt de protection pourra être opérée par un classement complémentaire.

Question parlementaire du 30 janvier 1995 : Foret de Fontainebleau : Projet de classement en forêt de protection

ASSEMBLEE NATIONALE - 10ème législature
Question N° : 21171 de M. Julia Didier ( Rassemblement pour la République - Seine-et-Marne ) QE
Ministère interrogé : environnement
Ministère attributaire : agriculture et pêche
Rubrique : Bois et forets
Tête d'analyse : Foret de Fontainebleau
Analyse : Projet de classement en foret de protection. perspectives

Question publiée au JO le : 05/12/1994 page : 5960

Texte de la QUESTION : M. Didier Julia attire l'attention de M. le ministre de l'environnement sur les récentes atteintes a la foret domaniale de Fontainebleau. Des projets d'élargissement de chaussée et des projets immobiliers s'annonçant sur le site de la foret domaniale ainsi que la proximité de cette foret de l'agglomération parisienne l'amènent a l'interroger sur le classement de la foret domaniale de Fontainebleau en foret de protection : ou en est cette procédure de classement, quel en est le rythme et les délais d'instruction, quelles en seraient les conséquences pour la protection définitive de la foret ?

Réponse publiée au JO le : 30/01/1995 page : 555

Texte de la REPONSE : Le classement en foret de protection de la foret de Fontainebleau est en cours d'instruction. La première phase de l'étude préalable au classement de ce massif forestier a mis en évidence les problèmes poses par la délimitation du périmètre de protection. Le projet pourra être soumis a l'enquête publique prévue a l'article R. 411-1 du code forestier lorsque ledit périmètre aura pu être délimite avec précision. Des difficultés ont effectivement été rencontrées du fait de l'existence d'un certain nombre de servitudes d'utilité publique qui affectent l'usage des sols, matérialisées par l'attribution de concessions, de permis de recherche d'hydrocarbures ou d'exploitation de carrières. Des solutions sont actuellement recherchées en liaison avec le ministère de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur afin de rendre compatibles les obligations réglementaires d'un classement en foret de protection avec la mise en valeur des ressources du sous-sol conformément aux droits déjà acquis au titre du code minier. Une fois le classement prononce, tout changement d'affectation ou de mode d'occupation du sol de nature a compromettre la conservation ou la protection des boisements est interdit. La pérennité du couvert boise est donc garantie. En outre, les forets de protection sont soumises a un régime forestier spécial réglementant leur gestion ainsi que les droits d'usage.

Bibliographie 1995

Chiroptères

Lustrat P. (1995) - Les chauves-souris de la forêt de Fontainebleau. Service départemental O.N.F. & Conseil Général de Seine et Marne. Rapport d’étude non publié. NATURE RECHERCHE (55 pp.).

Entomologie

LUCE, J-M., 1995.- Ecologie des Cétoines (Insecta : Coleoptera) microcavernicoles de la forêt de Fontainebleau : niches écologiques, relations interspécifiques et conditions de conservation des populations. Thèse de Doctorat (Ecologie) du Muséum National d'Histoire Naturelle.

Divers

Lustrat P. (1995) - La mare de Franchard, un site exceptionnel de la forêt domaniale de Fontainebleau. Arborescences 55 : 40-41.



Question parlementaire du 6 juin 1994 : Foret de Fontainebleau : Projet de classement en parc naturel régional

ASSEMBLEE NATIONALE - 10ème législature
Question N° : 12539 de M. Julia Didier ( Rassemblement pour la République - Seine-et-Marne ) QE
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère attributaire : agriculture et pêche
Rubrique : Bois et forets
Tête d'analyse : Foret de Fontainebleau
Analyse : Projet de classement en parc naturel régional. perspectives

Question publiée au JO le : 28/03/1994 page : 1461

Texte de la QUESTION : M. Didier Julia rappelle a M. le ministre de l'agriculture et de la pêche qu'il a été saisi d'un projet de classement de la foret de Fontainebleau en parc naturel régional. La foret de Fontainebleau est actuellement gérée par l'Office national des forets qui se voit reprocher « une gestion sylvicole purement économique et financière », et notamment de faire disparaitre progressivement les feuillus au profit des résineux. Il lui demande s'il lui paraitrait vraiment intéressant de superposer des administrations sur un même territoire. Quelle protection un statut de parc naturel régional pourrait-il ajouter aux mesures actuelles de protection d'une foret qui est déjà classée au titre des sites et pour laquelle l'Etat a entrepris une procédure de classement en foret de protection ? Il souhaiterait donc connaitre son avis sur un tel projet.

Réponse publiée au JO le : 06/06/1994 page : 2857

Texte de la REPONSE : Concernant la foret de Fontainebleau, le ministère de l'agriculture et de la pêche a été saisi d'une demande de classement en foret de protection, en vertu des dispositions de l'article L. 411-1 (2e alinéa) du code forestier. Une concertation est actuellement en cours entre les différents services intéresses de l'Etat ; ce projet de classement sera ensuite soumis a l'enquête publique prévue par l'article R. 411-1 dudit code. Les forets classées sont soumises a un régime forestier spécial qui a pour objectif d'interdire tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature a compromettre la conservation ou la protection des boisements.
Sauf remise en cause par le législateur, le classement en foret de protection constitue présentement un outil juridique bien adapté à la protection des forets menacées a un titre ou a un autre. Il ne parait donc pas opportun de superposer a cette réglementation le statut de parc naturel régional, dont la mise en œuvre relevé par ailleurs du ministère de l'environnement.

Bibliographie 1994

Histoire

- Jean-Claude Polton, Tourisme et nature au XIXe siècle. Guides et itinéraires de la forêt de Fontainebleau (vers 1820-vers 1880), éd. du CTHS, 1994, 300 p

Bibliographie 1993

Sylviculture

ROBIN (A.-M.), Catalogue des principales stations forestières de la forêt de Fontainebleau, ONF et Université de Paris VI, 1993, 371 p.

Décision du 12 octobre 1992 du Conseil d'Etat : aménagement de la RN7

Conseil d'Etat
statuant
au contentieux


N° 102268   
Inédit au recueil Lebon
2 / 6 SSR
Mme Chemla, rapporteur
Dutreil, commissaire du gouvernement


lecture du lundi 12 octobre 1992
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 septembre 1988 et 24 janvier 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS, dont le siège social est à la Mairie d'Episy à Moret-sur-Loing (77250) ; l'association demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de la lettre du 4 mars 1987 du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports donnant son accord pour des travaux d'aménagement de la route nationale 7, de la décision ministérielle du 24 juin 1987 autorisant lesdits travaux, et des marchés conclus pour leur réalisation ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-429 du 10 juillet 1976 et le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour son application ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 et le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 pris pour son application ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Chemla, Auditeur,
- les conclusions de M. Dutreil, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives à l'annulation de la décision du 4 mars 1987 :

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la demande présentée par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS tendait notamment à l'annulation de la décision du 4 mars 1987 du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports ; que le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 24 juin 1988 qui n'a pas répondu aux conclusions dirigées contre cette décision est, dans cette mesure, entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de l'association requérante tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 1987 précitée ;

Sur la recevabilité de la demande de l'association en première instance :

Considérant que l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS, qui a pour but "la protection des sites et de l'environnement et la lutte contre les nuisances de toutes sortes", a, en l'espèce, eu égard aux fins ainsi poursuivies, et à l'objet des décisions attaquées, qui concernent une partie de la forêt de Fontainebleau proche de la vallée du Loing, intérêt à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité :

Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions combinées de la loi du 12 juillet 1983, relative à la démocratisation des enquêtespubliques et à la protection de l'environnement, et du décret du 23 avril 1985 pris pour son application que, si les travaux d'entretien ou de grosses réparations ne sont pas soumis à une enquête publique préalable, quels que soient les ouvrages ou aménagements auxquels ils se rapportent, les travaux d'investissement routier d'un montant supérieur à 12 000 000 F, conduisant à la création de nouveaux ouvrages ou à la modification d'assiette d'ouvrages existants, doivent être précédés d'une enquête publique, l'application de ces seuil et critère devant tenir compte de l'ensemble de l'opération en cas de réalisation fractionnée d'une même opération ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions combinées de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et du décret du 12 octobre 1977 pris pour son application que les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences, sauf, notamment, s'il s'agit de travaux de renforcement sans modification d'emprise exécutés sur une voie publique, de travaux d'entretien ou de grosses réparations, ou d'aménagements, d'ouvrages, et de travaux dont le coût total est inférieur à 6 000 000 F, le montant à retenir étant, en cas de réalisation fractionnée, celui du programme général ;
Considérant que, par lettre du 4 décembre 1987, le ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports a décidé d'approuver des travaux routiers portant sur 12,560 kms de la section Fontainebleau-Nemours de la RN 7, et a fixé à 66 200 000 F le montant global de l'opération ; que ces travaux, qui consistaient principalement en la mise à deux fois deux voies de cette section, et n'avaient ni le caractère de travaux d'entretien et de grosses réparations, ni celui de travaux de renforcement sans modification d'emprise, devaient, en raison de leur montant, être précédés d'une part d'une enquête publique, et, d'autre part, compte tenu en outre de leur incidence sur le milieu naturel, d'une étude d'impact ; que si, par lettre du 9 décembre 1987, d'ailleurs postérieure, le ministre a décidé le financement immédiat d'une partie de ces travaux, portant sur 6,570 kms, dont le montant de 30 900 000 F était, en tout état de cause, supérieur aux seuils fixés par les décrets des 12 octobre 1977 et 23 avril 1985 précités, cette réalisation fractionnée d'une même opération ne pouvait avoir pour effet de dispenser l'administration de faire procéder à une enquête publique et à une étude d'impact préalables ; qu'en l'absence de celles-ci, le ministre ne pouvait légalement autoriser les travaux sur une partie de la section Fontainebleau-Nemours de la RN 7 par sa décision du 4 mars 1987 qui doit être annulée ;

Sur les conclusions relatives à l'annulation de la lettre du 24 juin 1987 du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, et de l'autorisation donnée par le ministre de l'agriculture d'incorporer au domaine public routier national des parties de la forêt domaniale de Fontainebleau :

Considérant que l'association requérante ne développe aucun moyen permettant d'apprécier le bien-fondé de ces conclusions qui, dans ces conditions, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions relatives à l'annulation des décisions relatives à la conclusion des marchés passés pour la réalisation des travaux :

Considérant que si les conclusions de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS doivent être regardées comme tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande relative à des "décisions relatives à la conclusion de marchés passés pour la réalisation des travaux autorisés par la lettre du 4 mars 1987", la requérante ne fournit aucune précision quant à ces décisions ; que, dans ces conditions, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 24 juin 1988, en tant qu'il n'a pas répondu aux conclusions de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS dirigées contre la décision du 4 mars 1987 du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, et la décision du 4 mars 1987 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.