UICN 1998 : Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche

Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la protection du patrimoine forestier, notamment au travers de l'action de l'UICN et la gestion durable des forêts, Fontainebleau le 5 novembre 1998.

FRANCE. Ministre de l'agriculture et de la pêche

Circonstances : Inauguration d'une plaque commémorative du 50 ème anniversaire de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) aux gorges de Franchard (forêt de Fontainebleau) le 5 novembre 1998

ti : Madame la Président de l'UICN,
Monsieur le Directeur de l'UNESCO,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Directeur Général de l'Office National des Forêts,
Mesdames, Messieurs,
Chers Ecoliers,


Le monument que viennent de dévoiler les enfants de CM2 de Mme Labeur commémore le cinquantième anniversaire d'une initiative visionnaire : au sortir d'une guerre mondiale effroyable, deux décennies avant l'irruption de l'écologie dans les valeurs de notre société. 24 ans avant la Conférence de Stockholm sur l'environnement, 44 ans avant le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, des précurseurs avaient déjà choisi Fontainebleau pour créer un réseau mondial de réflexion et d'action au service de la conservation de la nature, l'UICN.

Monsieur Thierry Martin. le concepteur de ce monument, l'a appelé " l'Oeil des Nations ".

Cet " Oeil des Nations " est celui de la conscience universelle face aux enjeux d'une gestion durable des ressources naturelles dont on dit que nous ne les héritons pas des générations passées, mais que nous les empruntons aux générations futures.

Cette solidarité au travers de l'espace et du temps est un des plus beaux et des plus vertigineux défis de nos sociétés modernes.

Au coeur de cette forêt de Fontainebleau, monument naturel qui devrait bientôt figurer dans le patrimoine de l'humanité de l'UNESCO, mais aussi héritage de siècles d'une gestion marquée par l'évolution des besoins de l'homme, l'histoire de la foresterie européenne. avec ses ambitions, ses réussites. ses tâtonnements et certains de ses échecs, peut nous aider à relever ces défis :

Tout d'abord, notre responsabilité consiste à éviter les processus irréversibles de dégradation.

En Europe, les surfaces forestières ont fluctué au cours des siècles, en fonction des besoins (le la société, notamment pour faire face au devoir de nourrir les populations.

C'est la révolution industrielle et énergétique, en même temps que la révolution agronomique qui ont permis le doublement de la forêt française en deux siècles.

La priorité est donc à la préservation du patrimoine des sols et des espèces, qui permettent de renouer avec des dynamiques naturelles lorsque les circonstances le permettent à nouveau.

Ensuite, la plus célèbre maxime forestière française nous conseille d'imiter la nature et de hâter son oeuvre, ce qui est très proche de la philosophie de Francis Bacon qui préconise d'obéir à la nature pour la commander.

Mais nos connaissances sont encore imparfaites, et le savoir hérité d'expériences séculaires n'est pas en lui même suffisant pour faire face à certaines nouvelles questions.

Nous avons besoin d'une recherche forestière dynamique, mobilisant toutes les techniques modernes, mais également curieuse du fonctionnement des écosystèmes non gérés par l'homme.

L'humilité est de mise, et les beaux résultats d'aujourd'hui sont le fruit des choix de nos prédécesseurs, et nos choix d'aujourd'hui seront évalués par nos successeurs.

Le principe de précaution ne doit pas nous paralyser, mais nous inviter à faire des paris raisonnés.

Enfin, il n'est pas de gestion durable sans écoute des besoins changeants d'une société.

Les meilleures techniques et les résultats les plus probants ne peuvent dispenser de prendre en compte les attentes des populations, quelque difficile puisse être l'arbitrage entre certaines attentes contradictoires, parfois enracinées dans une conception rêvée plus que vécue de la nature. Les forestiers n'ont pas toujours été assez attentifs à ces attentes, trop focalisés qu'il étaient sur la cohérence nécessaire avec les paris anciens.

Pourtant les réussites les plus éclatantes de notre patrimoine forestier actuel trouvent bien leurs racines dans une grande capacité de la politique forestière à séparer les effets de mode des tendances de fonds dans l'évolution des besoins humains.

Paradoxalement il ne peut y avoir de gestion durable que dans la conjonction d'un savoir et d'un savoir faire avec une ambition pour la société, au travers d'une démarche éthique.

Il ne peut y avoir de choix fécond pour la nature sans un choix pour l'homme.

Cette vision sous-tend le projet français d'une gestion durable multifonctionnelle des forêts.

Cette approche multifonctionnelle de la gestion de notre patrimoine naturel est, depuis longtemps. au centre de notre pratique forestière.

Nous sommes, aujourd'hui même en train de l'étendre à notre politique de l'agriculture ut de l'espace rural à travers la loi d'orientation dont est saisi notre Parlement.

Cette conciliation des attentes nouvelles de la société implique à la fois une démarche véritablement scientifique -associant sciences naturelles et sciences humaines- et un dialogue avec toutes les parties prenantes : propriétaires et gestionnaires de l'espace, scientifiques et naturalistes, organismes représentants les différents usagers, associations de protection. de la nature...

C'est une démarche exigeante et parfois difficile, mais extraordinairement féconde.

Elle est même, pour moi, la condition de la gestion véritablement durable.

Au travers des débats démocratiques sur l'avenir du massif de Fontainebleau et du projet de charte en préparation entre le ministère chargé des forêts et le ministère chargé de l'environnement, c'est bien l'esprit qui anime les réflexions et actions de l'UICN qui s'exprime, confrontation difficile mais féconde entre les sciences naturelles et les sciences humaines.

Je souhaite que ce jeune quinquagénaire qu'est l'UICN trouve dans son lieu de naissance un laboratoire pour la mise en oeuvre de ces idées, en quête d'un compromis négocié entre tradition et innovation, loin de tout dogmatisme.

Merci à tous ceux qui, au cours des cinquante dernières années, ont été des semeurs d'idées. Merci d'avance à ceux qui reprennent le flambeau.

UICN 1998 : Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre

Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la protection de l'environnement, notamment la gestion et la conservation des ressources naturelles, des espaces naturels et des forêts et la notion de sécurité environnementale dans le cadre du développement durable, Fontainebleau le 5 novembre 1998.

FRANCE. Premier ministre

Circonstances : 50 ème anniversaire de l'Union Mondiale pour la Nature (UICN) à Fontainebleau le 5 novembre 1998

ti : Madame la Présidente,
Monsieur le Président,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,


Je suis très heureux de célébrer ici avec vous, après le Président de la République, le cinquantième anniversaire de l'Union Internationale de la Conservation de la Nature. L'UICN, devenue depuis l'Union Mondiale pour la Nature, fête aujourd'hui ses cinquante ans sur les lieux mêmes qui l'ont vue naître, à Fontainebleau, en 1948. Le choix de Fontainebleau pour cette circonstance, s'est imposé pour des raisons historiques. C'est à quelques kilomètres d'ici, en 1853, que la première réserve naturelle recensée a été mise en place, 20 ans avant le premier parc national créé aux Etats-Unis. Elle illustre le rôle pionnier que la France a joué dans les domaines de la conservation de la nature et de l'environnement. (I) L'histoire de notre pays l'a en effet conduit à rechercher un équilibre entre la conservation et la gestion des ressources naturelles. (II) Animée du même esprit, l'UICN mène une action irremplaçable en explorant les domaines nouveaux où devront s'exercer vigilance et protection.


I. Le regard porté par nos philosophes sur la nature, et notre histoire récente, nous ont conduit à la recherche d'un équilibre entre conservation et gestion des ressources.

La création du parc de Fontainebleau fut un épisode du débat entre les tenants d'une nature "sanctuaire", et ceux qui recherchent le bien-être de l'homme dans une bonne gestion de la nature. La France a toujours choisi la seconde approche. Cette création s'est faite autant au nom de la beauté que de la conservation de la nature. Longtemps, sous l'influence de Jean-Jacques ROUSSEAU, notre pays n'a vu dans la nature qu'un cadre de la civilisation, ou un modèle pour l'imitation du beau. Le grand naturaliste Buffon préférait la nature .... organisée, voire domestiquée par l'homme, à la nature sauvage. Le XIXe siècle français a été, pour parler comme le naturaliste Von Humboldt, celui de la découverte des " monuments naturels ". La première loi de protection de la nature, en 1906, n'était-elle pas intitulée " loi sur les sites et monuments naturels "?

A cet égard, je voudrais rappeler le rôle éminent joué, au sein des membres fondateurs de l'UICN, par le Muséum national d'histoire naturelle. Vous vous y rendrez, je crois, ce soir. C'est le plus ancien et l'un des plus grands muséums d'histoire naturelle au monde. Lieu de recherches actives en sciences naturelles, le Muséum détient d'immenses collections qui forment une part essentielle du patrimoine scientifique de l'humanité. A la veille du XXIème siècle, alors que la communauté internationale se préoccupe de la biodiversité, la France doit s'engager dans un programme de réorganisation et de rénovation du Muséum d'histoire naturelle, afin de réhabiliter ses collections et de renforcer ses moyens de recherche et de diffusion.

Notre histoire de vieux pays rural a aussi laissé chez nous son empreinte. La France des terroirs ne s'est lentement effacée qu'au début de ce siècle. C'est vers 1930 seulement que la France urbaine l'a emporté en nombre sur celle des campagnes. Aujourd'hui, 80 % des Français vivent dans les villes. La nature, la campagne, sont parfois le cadre de notre patrimoine personnel, souvent de notre nostalgie. Pour toutes ces raisons, les Français affirment aujourd'hui de plus en plus leur attachement à protéger la Nature et à promouvoir leur patrimoine écologique.

Tout ceci explique pourquoi nous poursuivons depuis longtemps une politique cherchant un équilibre entre gestion et conservation. J'en donnerai deux exemples: celui de la gestion des espaces naturels, celui de la gestion de la forêt.

Dans la gestion des espaces naturels en France, deux outils de gestion sont privilégiés : les Parcs Naturels Nationaux et les Parcs Naturels Régionaux. En 30 ans, nous avons mis en place sept parcs nationaux. Ces parcs ont le statut d'établissements publics. Ils disposent d'une autonomie d'action. Ils fonctionnent en concertation avec les autorités locales et les représentants des mouvements associatifs. L'Etat participe à leur budget. Qu'ils soient situés en montagne (La Vanoise, les Ecrins, le Mercantour) ou dans des îles (Port Cros, la Guadeloupe), ces parcs sont un indéniable succès. C'est pourquoi, avec Madame Dominique VOYNET, Ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, j'ai décidé d'intensifier cette politique. Trois projets aboutiront avant l'an 2000. Ils concernent des zones hautement symboliques. Deux sont entre terre et mer : le premier se situe en Corse, le deuxième en Mer d'Iroise. Le troisième projet est tout aussi porteur d'avenir puisqu'il concerne la forêt tropicale de Guyane. Il s'agit ici de préserver un patrimoine exceptionnel, qui, en liaison avec le Brésil et les pays du plateau des Guyanes, est l'occasion de créer un espace de plusieurs milliers d'hectares pouvant servir de référence pour l'Amazonie, voire au-delà. Le futur parc national de Guyane dans les domaines de la recherche pourrait devenir, par son action, une plate-forme de dimension internationale. L'appui de l'UNESCO et des organisations non gouvernementales intéressées sera indispensable. Nous ne ménagerons pas nos efforts pour faire aboutir ce projet. Il pourrait être le laboratoire d'une nouvelle forme de coopération, - la coopération écologique - , réunissant des pays porteurs de conceptions parfois différentes du développement. Cette coopération est facteur de paix et de rapprochement des peuples. La France est disposée à participer à son renforcement, s'agissant par exemple de la Baie d'Halong, haut lieu du patrimoine mondial, ou en Chine, pour lutter contre les inondations, en Espagne, pour aider à la restauration du parc de Doñaña, ou encore, en ce moment même, en Honduras ou au Nicaragua, pour lutter contre les catastrophes naturelles.

Nous avons aussi mis en place des Parcs Naturels Régionaux. Les collectivités locales en ont l'initiative. L'Etat peut donner son accord à une charte qui donne aux orientations de protection et d'aménagement adoptées une valeur juridique. Cette procédure est donc souple et décentralisée. Là aussi, le succès est certain. Trente six parcs naturels régionaux couvrent 11% de notre territoire national. Plusieurs projets sont en cours. Je pense par exemple, près d'ici, au projet de Parc Naturel Régional du Gâtinais français. Ce projet est très avancé. Je serai amené à signer le décret d'approbation de la charte avant la fin de l'année. Situé en périphérie de la forêt de Fontainebleau, ce Parc Naturel Régional pourra utilement conforter le projet de réserve de biosphère de l'UNESCO qui est une des multiples manières de protéger le massif forestier de Fontainebleau. Je souhaite que le groupe mis en place par Mme VOYNET, Ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, et M. GLAVANY, Ministre de l'Agriculture et de la Pêche, et présidé par le Professeur DORST, aide l'Etat et les collectivités locales à statuer définitivement sur ce sujet.

La forêt n'a eu longtemps ni statut juridique ni règles d'exploitation, sauf dans de rares pays. La gestion et la conservation de cet espace sont désormais abordées d'un oeil neuf. Sous la double influence de la démarche planétaire de l'écologie mais aussi de la mondialisation de l'économie, de nouveaux rapports sont en train de s'établir entre l'homme et la forêt. La forêt, autrefois angoissante, apparaît aujourd'hui immuable et rassurante, comme vierge de toute intervention humaine. Recréer la forêt mythique d'" avant les hommes " serait illusoire. Si la forêt donne l'image de la permanence, c'est parce que l'homme ne perçoit pas ses changements incessants et fugaces, ni ses grands cycles séculaires. La France a su, au fil du temps, façonner sa conception d'une gestion durable des forêts, concilier la préservation des habitats et des espèces avec la création d'emplois et de valeur ajoutée, au service du développement local. Elle a su se doter d'outils souples et efficaces d'aménagement des territoires forestiers. Elle a su privilégier, selon les lieux, selon les besoins des populations, les fonctions écologique, économique et sociale. Rien n'est jamais acquis dans ce domaine. Les incendies de forêts sur le littoral de la Méditerranée nous le montrent chaque été. Beaucoup reste à faire, dans de nombreux pays, comme nous en avons eu de dramatiques illustrations avec la déforestation en Chine et en Indonésie.

Pour mieux gérer et protéger ensemble la forêt, à l'échelle de la planète, il faut améliorer la concertation avec les populations locales, et élargir à cette question le champ de la négociation internationale. Avec la Finlande, la France est à l'origine des conférences ministérielles pour la protection de la forêt en Europe. Celles-ci ont permis d'enraciner dans le contexte européen les ambitions forestières du Sommet de la Terre. Avec ses partenaires de l'Union européenne, la France plaide toujours en faveur d'une convention mondiale sur les forêts. Il faut offrir un cadre d'ensemble pour la protection et la gestion durable des forêts. Certes, des conventions spécialisées sur la diversité biologique, sur les changements climatiques et sur la désertification se préoccupent des milieux forestiers. Mais ces approches sectorielles doivent retrouver une cohérence devenue indispensable. Les spécificités du monde forestier, l'intégration de la forêt dans l'aménagement du territoire, et la recherche de la satisfaction des besoins très divers d'une société imposent cette cohérence. Qu'on me comprenne bien : il ne s'agit pas là sous couvert de souci écologique, de priver les pays du Sud d'une de leurs ressources économiques. Il s'agit de mettre en place des coopérations plus intenses pour que cette ressource économique se pérennise, se renouvelle, et continue de servir les peuples de ces pays, comme le reste du monde. Bien sûr une telle convention ne sera possible que si les gouvernements s'accordent sur des principes communs pour une gestion plus durable de la forêt tropicale. Ceci devrait, à mon sens, faire l'objet d'une rencontre spécifique entre les pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et ceux d'Europe qui sont concernés. A l'occasion de la création du Parc de Guyane, la France est prête à susciter cette rencontre. En effet, le double défi du développement durable et de la lutte contre l'accroissement de l'effet de serre donne une nouvelle importance aux espaces forestiers et au bois.


II. L'appel que vient de lancer l'UICN, et ce colloque anniversaire, ouvrent à cet égard des perspectives nouvelles.

Depuis le sommet de Rio, de grands progrès ont été accomplis. Nous avons signé trois conventions. Nous avons adopté un agenda pour le XXIème siècle. Il couvre l'ensemble des domaines où une réflexion est nécessaire pour que nos modes de consommation deviennent plus " durables ", pour qu'ils concilient mieux le bien être social et l'environnement avec le développement économique. Aujourd'hui, on peut avoir l'impression que l'élan né de Rio s'essouffle. Un délégué à l'Assemblée générale des Nations Unies vient de dire que si " l'esprit de Rio est encore vivant, il est aujourd'hui, comme la main d'Adam Smith, invisible ". L'appel de l'UICN montre l'urgence d'une réaction des gouvernements, des organisations internationales et de la société civile mondiale. Plus que d'une main d'invisible, nous avons besoin de l'impératif kantien reformulé par Hans JONAS: " Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur la terre, de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour les possibilités futures d'une telle vie ". Si vous le permettez, Madame la Présidente, c'est dans cet esprit que je commenterai pour les reprendre quelques termes de l'appel de l'UICN.

Aujourd'hui, beaucoup de pays du Sud ressentent les exigences des Conventions comme des contraintes. C'est dans doute parce que les bénéfices individuels qu'ils en espéraient n'ont pas été au rendez-vous. La Communauté internationale n'a pas su trouver les formes nouvelles d'allocation des ressources ou d'échanges économiques qui auraient pu fortement inciter les pays pauvres à ménager leur patrimoine naturel ; les mécanismes de compensation que ces pays attendaient pour que " durabilité " ne signifie pas appauvrissement n'ont été au rendez-vous. Nous devons dépasser ce sentiment d'amertume. L'Appel que vous lancez en est une occasion. Pour aider cette évolution, nous devons donner aux Pays du Sud des signes d'encouragement. En annonçant que la France se retirait de la négociation de l'A.M.I., j'ai souhaité montrer qu'il existait des biens, des valeurs dont la production et la conservation ne pouvaient être soumises aux seules règles d'un marché dominé par les plus riches. Le bon état des ressources de notre planète est une de ces valeurs. C'est pourquoi je souhaite que l'Organisation Mondiale du Commerce se saisisse des négociations sur les clauses environnementales dans les échanges mondiaux. Les groupes de travail qui en sont chargés devront proposer des mesures sérieuses à la communauté internationale. L'environnement devra être au coeur des négociations qui s'engageront à partir de l'an 2000. Dans le même ordre d'idées, je souhaite que souffle à Buenos Aires un esprit de solidarité, pour un meilleur partage des efforts de réduction des émissions de gaz carbonique. Il faut une volonté commune d'aboutir, aussi bien de la part des pays riches qui émettent le plus de CO2 par habitant, que des pays émergents qui, bientôt, rejoindront ce groupe. Leur démographie, et leurs progrès économiques les y conduiront. Il faut donc mieux impliquer dans cette négociation les pays émergents et les pays pauvres. J'ai demandé à Madame VOYNET, chef de la délégation française, d'y déployer tous ses efforts en concertation avec nos partenaires de l'Union européenne.

Dans le colloque que vous avez organisé pour célébrer ce 50ème anniversaire, " Imaginons le monde de demain ", vous avez privilégié deux thèmes : le changement des modes de consommation, et les liens entre sécurité et environnement, repris dans l'appel que vous venez de lancer au monde. Tous deux me sont chers.

Le premier nous invite à corriger nos modes de consommation par une éthique commune, où le souci de protéger nos ressources prend toute sa place. C'est dans l'évolution des rapports entre la production économique et les aspirations de l'humanité qu'un équilibre pourra être sauvegardé entre l'homme et la nature. Les sociétés et les gouvernements doivent en prendre conscience. Les progrès de la science et l'efficacité des investissements technologiques font apparaître aujourd'hui toujours plus de produits nouveaux immatériels. Ces produits de la recherche scientifique devront s'intégrer dans un cadre juridique nouveau. Leur consommation doit être régulée. Les produits du génie génétique, les produits de la société de l'information, feront l'objet d'échanges intenses. Or ces échanges doivent être régis par d'autres valeurs que les seules règles du marché. Surtout, ils ne doivent pas être confisqués par un cercle d'Etats ou des groupes économiques. " Imaginons le Monde de demain " - dites-vous : j'imagine, pour l'an 2000, un lieu permanent de réflexion sur ces thèmes, qui éclairent l'urgence d'une éthique commune à des peuples de cultures différentes. La différence est, là, aussi précieuse que la communauté. Le libéralisme a su trouver, tous les ans, à DAVOS, sa capitale : inventons un rendez-vous où les cultures du monde échangeront sur ces questions. Nous y élaborerons, je le souhaite, un discours commun sur la propriété intellectuelle, dans le respect des ressources naturelles. Nous y inventerons l'humanisme du siècle prochain.

L'autre thème, qui va éclairer votre réflexion jusqu'à votre congrès de l'an 2000, est celui de la sécurité. C'est un thème important et auquel je tiens. Dans notre époque où l'homme a su vaincre bien des menaces, mais qui en génère de nouvelles, la sécurité est un droit. Le devoir d'un gouvernement est de la garantir à nos concitoyens. Au début de l'humanité, l'homme a entrepris un chemin très long pour maîtriser la nature. Il y a peu à peu réussi et a su se protéger des éléments naturels. Aujourd'hui, c'est la pression qu'il exerce sur cette nature trop domestiquée, c'est la raréfaction des ressources dont il abuse qui constituent une menace. Les scientifiques sont désormais unanimes sur ces dangers, alors qu'ils étaient jusqu'à peu encore partagés. Bien sûr, nous savons que tout n'est pas irréversible : nous savons que la science donne aujourd'hui les moyens de réparer, nous avons vu des fleuves être dépollués, des espaces refleurir, des forêts renaître, et même la couche d'ozone se reconstituer partiellement. Mais si notre tâche est bien sur de réparer pour les générations futures, elle consiste aussi à garantir aux générations présentes leur part d'harmonie avec la nature, comme de bien être social.

Je suis convaincu que les Nations Unies doivent approfondir la réflexion internationale sur les conflits environnementaux. Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, nous venons d'entendre par la voix de Mademoiselle Verana Butt un vibrant appel pour que les gouvernements prennent des mesures vigoureuses pour prévenir les conflits dont les germes se trouvent dans la dégradation de l'environnement ou de la confiscation de l'accès aux fleuves, aux sources, en un mot aux richesses indispensables à la vie.

Je sais, Madame la Présidente, que cet Appel que vous avez inspiré vient du fond de votre coeur : je veux rendre hommage ici à l'action remarquable que vous menez aux frontières du Pérou et de l'Equateur. Vous êtes à cet égard, non seulement ministre de l'Environnement dans votre pays, non seulement présidente de la plus grande organisation mondiale de l'environnement, mais également une médiatrice de la paix.

Je souhaite que l'UICN fasse fleurir d'innombrables initiatives dans le monde, à partir de cette préoccupation sur laquelle vous allez travailler jusqu'à votre prochain congrès : la prévention des conflits à travers la médiation sur l'accès aux ressources naturelles.

L'année 1998 a été marquée par de grandes catastrophes. Certaines sont dues à des phénomènes géophysiques qui se sont déchaînés de toute éternité. D'autres pouvaient être évitées. L'ensemble des institutions de l'ONU devraient, de manière mieux coordonnée, arrêter pour l'an 2000 une série de mesures visant à prévenir et à réparer de façon plus efficace ces catastrophes. Le Fonds de l'environnement mondial dont, comme vous le savez la France et l'Allemagne, ont été les initiateurs, pourrait apporter des ressources à cette prévention. Le drame que vit aujourd'hui le Honduras, le Nicaragua ainsi que le Salvador et le Guatémala nous bouleversent : c'est pourquoi la France a mobilisé ses dispositifs d'aide d'urgence et de protection civile de manière exceptionnelle.


Madame la Présidente,

C'est à Fontainebleau que l'UICN a choisi de prendre son nouveau départ. Je vous en remercie, Madame la Présidente, ainsi que tous les membres de l'UICN Laissez-moi faire une mention particulière du président du Comité français, le Professeur Patrick BLANDIN qui accomplit depuis quatre ans un travail remarquable. Mesdames, Messieurs, Gardez ce mélange de hardiesse militante et de raison scientifique qui ont présidé à votre naissance ; c'est grâce à cette alliance - à cet alliage - que les gouvernements vous ont rejoint. C'est cette alliance que la France, pays d'engagement et de raison, apprécie dans l'UICN. En même temps que le vôtre, nous célébrons le 50ème anniversaire des Droits de l'Homme. L'UICN a apporté sa part à cet anniversaire : l'affirmation du droit à la sécurité environnementale ; je vous aiderai à le promouvoir et à la garantir.


(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 30 mai 2001)

UICN 1998 : Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur l'action de l'UICN pour la protection de la nature, le renforcement de la participation française aux travaux de l'UICN et le projet de parc national à Fontainebleau, Fontainebleau le 3 novembre 1998.

FRANCE. Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

Circonstances : 50ème anniversaire de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) à Fontainebleau le 3 novembre 1998

ti : Madame, (la reine de Jordanie)
Messieurs les Présidents,
Madame la Présidente de l'UICN (Yolanda Kakabadse, Ministre de l'Environnement de l'Equateur),
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,


C'est avec beaucoup d'émotion que je participe aujourd'hui à l'ouverture du 50e anniversaire de l'Union internationale de Conservation de la Nature.

En effet, dans deux mois je défendrai devant le Parlement français une loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire. Je n'oublie pas que c'est à votre organisation que l'on doit la notion de développement durable définie, dès 1980, dans votre publication intitulée " Stratégie mondiale de la Conservation : la conservation des ressources vivantes au service du développement durable ". Cette loi sera donc un peu votre enfant.

Cette notion de développement soutenable, vous l'avez longuement mûrie, en l'alimentant des réflexions de ceux, venus de tous horizons, qui s'étaient réunis en octobre 1968, à Paris, à l'initiative notamment de l'Unesco et de votre Union, pour mettre en commun leurs expériences et tenter d'élaborer une stratégie. René DUBOS, qui sera quelques années plus tard l'un des animateurs de la rencontre de Stockholm, et François BOURLIERE, qui fut président de l'UICN après Roger HEIM, définissaient déjà les axes de ce qui serait plus tard le développement soutenable.

Ainsi écrivaient-ils : "Il faut que l'homme s'engage dans un échange créateur avec ses semblables, avec les animaux, avec les plantes, avec tous les objets de la nature qui, directement ou indirectement, influent sur lui et sur lesquels il agit à son tour".

Trois ans plus tard naissait le concept d'éco-développement, conduisant les participants de la conférence des Nations Unies sur l'environnement de Stockholm à constater qu'il ne pourrait y avoir de développement sans préservation de l'environnement. Ce concept et les réflexions qui l'entourent seront à la base du rapport de Gro Harlem BRUNDTLAND : "Notre avenir à tous", publié en 1987, et dont les axes principaux serviront à la déclaration de Rio sur l'Environnement et le Développement, en juin 1992.

C'est donc à vous, qui avez choisi depuis quelques années la dénomination Union Mondiale pour la Nature, que l'on doit un concept majeur pour cette fin de siècle, et pour le siècle à venir.

Après le lancement de votre stratégie mondiale, France-Nature-Environnement, organisation non gouvernementale membre de votre Union, cherchait à obtenir du ministre de l'Environnement de l'époque, une déclinaison nationale de cette stratégie. Cette proposition n'eut pas l'écoute que l'on aurait pu attendre.

Je suis donc fière de pouvoir aujourd'hui faire germer la graine laissée si longtemps en dormance.

Je suis également fière de pouvoir ainsi répondre concrètement à une initiative associative et, ce faisant, d'emprunter une voie qui est chère à votre Union, celle de la coopération constante entre organisations non gouvernementales, services publics et gouvernements. C'est cette structure originale unique qui fait la richesse de l'Union internationale de Conservation de la Nature.

Le président ALPHA OUMAR KONARE, qui fut aussi président d'une ONG (le Conseil international des Musées-ICOM), ne me démentira certainement pas, lui qui déclarait en 1994 : "Les ONG apportent une grande richesse en associant les réseaux de la société civile au fonctionnement de la nation. C'est ainsi, en dialoguant étroitement avec les sources vives d'un pays que se forgent les nations de demain, garantes d'un développement démocratique harmonieux". Comme lui, j'en suis persuadée.

Ensemble, gouvernements et ONG ont bâti un ordre juridique et scientifique environnemental, qui régit désormais, au plan international, la conservation des ressources naturelles.

Peu à peu, l'UICN a fait admettre le principe selon lequel les écoles de pensée environnementale pouvaient fonder les politiques des Etats et guider l'activité économique. C'est là, je crois, la clé de sa réussite.

Avec d'autres, elle a fait comprendre que la raréfaction des ressources biologiques et les dysfonctionnements des cycles naturels dus au développement économique incontrôlé, ne pouvaient être compensés par des techniques nouvelles liées aux découvertes scientifiques, comme on l'avait trop longtemps cru.

Mais l'UICN n'a pas seulement influencé les comportements, en élaborant le concept de développement soutenable. Elle a aussi promu le principe de précaution.

Ce principe est tout à fait d'actualité. Il est désormais mis en ¿uvre par les plus hautes juridictions. C'est ainsi qu'en France, il a été invoqué par le Conseil d'Etat à propos de la commercialisation du maïs génétiquement modifié.

Dans ce contexte, votre symposium et cet anniversaire vont être l'occasion de mieux replacer l'idée de la nature et de l'utilisation de ressources naturelles dans le cadre de la conservation durable. Il n'est pas question de maintenir une nature sous cloche, idéalisée par un monde urbanisé.

Il s'agit, au contraire, de faire mieux comprendre que la préservation de la diversité biologique (qui implique la pérennité de milieux à évolution spontanée) et son utilisation raisonnée peuvent constituer un idéal de conduite économique partageable par les peuples de la planète.

Or, vous le savez, la mondialisation des comportements environnementaux a fait surgir le débat Nord-Sud. Le Nord a tendance à vouloir imposer au Sud ses modèles. Ne tenant pas compte de ses propres échecs en matière de conservation, il réclame pour les autres un comportement de bon gestionnaire qu'il n'a pas voulu s'imposer à lui-même.

Désormais les conventions internationales sont le théâtre d'âpres débats entre le Sud, qui détient les ressources biologiques, mais qui est entravé dans son développement technologique et économique, et le Nord qui, fort de son génie industriel, demande au Sud la préservation des écosystèmes, non pour des raisons écologiques mais pour des motifs économiques liés aux progrès de la génétique.

J'en veux pour preuve les difficiles négociations sur la mise en ¿uvre de la Convention sur la protection de la diversité biologique. Il faut le dire à cette occasion : l'enjeu est aussi de réussir une juste répartition des bénéfices tirés de la protection du patrimoine naturel, comme le demandent les pays du Sud.

À cet égard, je dois reconnaître que ce sont les ONG et les scientifiques qui, les premiers, ont dénoncé cette volonté de mainmise du Nord sur le Sud, et ont cherché des approches plus équitables, notamment au travers de l'UICN. Ce travail s'effectue, la plupart du temps, sur la base du bénévolat.

C'est pourquoi j'ai demandé à mon ministère d'étudier la mise en place d'aides aux ONG et aux experts français, pour leur permettre d'être plus présents dans les commissions de travail de l'UICN. Tout comme les scientifiques français, ils furent très assidus dans les premiers temps de l'Union. Et puis, faute de ressources suffisantes pour prendre en charge les déplacements, les uns et les autres ont été contraints de se retirer.

Pourtant, ONG et scientifiques français ont acquis, au fil du temps, des compétences dans le domaine de la conservation et de la gestion durable de la nature, qui complètent celles que développent d'autres pays.

La vie du conseil de l'UICN a été marquée par des personnalités comme les professeurs Jean DORST, Théodore MONOD, François RAMADE, Jean-Claude LEFEUVRE ou le docteur Christian JOUANIN. Aujourd'hui, madame Bettina LAVILLE sait faire entendre une vision française de la conservation de la nature.

Grâce au dynamisme du professeur Patrick BLANDIN, président du Comité français de l'UICN, et grâce à un partenariat multiple et fructueux, nous avons pu vous accueillir à Fontainebleau. Mais au-delà de cet anniversaire, je souhaite que mon pays soit plus présent à l'UICN.

À l'échelle de la planète, toutes les bonnes volontés et toutes les expériences sont précieuses. Au niveau français, j'ai donc l'intention de proposer au gouvernement un plan d'action en trois points :

- définition de moyens financiers, de l'ordre du million de francs dans le projet de loi de finances 2000, pour permettre la participation active d'ONG et d'experts français aux instances de l'UICN ;

- mise à disposition d'experts auprès de l'UICN ;

- élaboration d'un programme ambitieux de coopération technique entre la France et d'autres pays, dans le domaine de la conservation de la nature.

Pour ces deux derniers points, j'entends proposer ces actions en collaboration étroite avec le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération. Et, avec eux, en proposer l'inscription lors du prochain Comité interministériel pour la Coopération internationale au Développement, le CICID.

Celui-ci, sous l'autorité du Premier ministre, permettra de redéfinir, dans les mois prochains, les objectifs de la coopération française. À cette occasion, il faudra définir des priorités thématiques et géographiques.

Mais je compte sur l'appui et la compréhension du Premier ministre et de mes collègues, pour faire progresser cette nouvelle approche et marquer ainsi le retour de la France.

Parmi d'autres, et en liaison étroite avec les scientifiques et les ONG, les établissements publics français peuvent en effet apporter beaucoup. Le Conservatoire du Littoral et des rivages lacustres, les Conservatoires régionaux d'espaces naturels, l'Office national de la Chasse, les Parcs Nationaux par exemple, devraient pouvoir apporter leur savoir-faire et des moyens de gestion aux pays qui nous le demandent aujourd'hui.


Cette volonté de la France de revenir au cour de l'UICN, me permet de souligner auprès de vous un point qui m'est cher.

Dans l'un de vos ateliers, vous allez traiter de la diversité des cultures et du partage équitable. Je souhaite à cet égard que l'UICN sache mieux entendre la voix de ceux qui n'appartiennent pas au monde de pensée anglo-saxon. Les naturalistes savent depuis longtemps que la diversité biologique est un gage de bon fonctionnement durable des écosystèmes.

Certains hommes politiques et certains économistes, qui raisonnent à court terme, estiment, au contraire, que la diversité est un frein à l'efficacité. Leur vision s'applique aussi bien à l'humanité qu'au monde vivant qui l'entoure. Je ne partage pas ce point de vue.

Je crois profondément que la diversité des cultures comme la diversité de la nature est une chance lorsqu'elle s'exprime en enrichissement mutuel et non en oppositions. C'est pourquoi je soutiens le rapprochement de réflexions sur le patrimoine naturel avec celles qui touchent au patrimoine culturel.

Dans ces lieux magnifiques, je ne peux pas omettre d'évoquer l'avenir de cet espace symbolique qui nous entoure. Fontainebleau est le berceau de l'Union mondiale pour la Nature. C'est un haut lieu de la diversité biologique forestière française, connu des naturalistes depuis près de trois cents ans. Mais c'est également un haut lieu de la culture française.

Dès 1913, l'idée de créer un parc national "artistique et biologique" en forêt de Fontainebleau était lancée. Ses promoteurs, des naturalistes et des artistes, reprochaient alors à l'Administration de vouloir faire du massif de Fontainebleau une "forêt industrielle".

Tout comme les peintres de l'Ecole de Barbizon bataillant ferme contre l'enrésinement du massif dans les années 1850, ces amoureux de la forêt de Fontainebleau estimaient qu'elle constituait "un patrimoine artistique et scientifique de premier ordre", devant être dégagé de la forêt industrielle.

Nombreuses ont été par la suite les demandes de scientifiques, d'ONG et de l'UICN pour que la France dote le massif forestier de Fontainebleau d'un statut de parc national, et je m'explique mal les réticences des gouvernements successifs à répondre à cette requête justifiée.

D'autres dispositions ont été prises :

- le classement en forêt de protection ;

- l'institution d'une réserve de biosphère ;

- l'élaboration d'une charte de Fontainebleau.

Les avancées de ces mesures sont réelles, mais elles n'ont pas la force symbolique attachée aux mots "parc national".

Depuis 50 ans, les conditions ont beaucoup changé. Un parc national aurait certes pu être créé à l'époque, si l'on s'en tient aux critères définis par l'UICN. Est-ce encore le cas aujourd'hui ? Qu'impliquerait maintenant l'institution d'un parc national pour les collectivités locales, pour les habitants, pour ceux qui fréquentent ce massif, et pour l'Etat ? Sommes-nous prêts à franchir les obstacles ? Je n'en suis pas encore convaincue.

C'est pourquoi j'ai décidé de confier au Professeur Jean DORST, qui fut vice-président de l'UICN et directeur du Muséum national d'Histoire naturelle, le soin d'animer un groupe de réflexion sur la faisabilité d'un parc national à Fontainebleau. Après avoir entendu tous ceux qui se sont exprimés sur le projet d'un tel parc, et compte tenu de sa grande expérience, il pourra définir à quelles conditions un parc national serait possible à Fontainebleau.


Mesdames et Messieurs,

L'UICN nous invite à " imaginer le monde de demain ". Dans mon action quotidienne, et malgré l'obligation d'avoir à régler quantité de problèmes dans l'urgence, je m'efforce de ne pas perdre de vue cette ligne d'horizon, sans laquelle il n'y a pas de politique réfléchie mais seulement de la navigation dans le brouillard, sans radar, du rafistolage.

C'est parce que les protecteurs de la nature ont cette vision globale, à la fois dans l'espace et dans le temps, qu'ils ont eu, avant les autres, la conscience et la préscience de la finitude de notre planète. De cette clairvoyance a découlé l'invention du " développement soutenable ", qui prend en compte l'intérêt des générations futures et de tous les êtres vivants qui peuplent la surface de la Terre.

À nous de faire en sorte, à présent, que de simple concept, le développement soutenable devienne une réalité. Je compte sur l'UICN pour nous y aider.

Je vous remercie.


(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 septembre 2001)

Question parlementaire du 4 août 1997 : forêt de fontainebleau : classement en parc naturel

ASSEMBLEE NATIONALE - 11ème législature
Question N° : 114 de Mme Jacquaint Muguette ( Communiste - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire : aménagement du territoire et environnement
Rubrique : bois et forêts
Tête d'analyse : forêt de Fontainebleau
Analyse : classement en parc naturel

Question publiée au JO le : 23/06/1997 page : 2182

Texte de la QUESTION : Mme Muguette Jacquaint attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la gestion actuelle de la forêt de Fontainebleau. Avec ses 21 500 hectares où vivent des espèces végétales et animales d'une immense variété, visités par 12 millions de personnes chaque année, le massif forestier de Fontainebleau représente une richesse patrimoniale qui dépasse les aspects touristique, culturel et scientifique. Or, plusieurs associations dénoncent le fait que, depuis son plan d'aménagement de 1970, l'Office national des forêts (ONF) ait substitué à la politique de protection une politique de production inspirée de l'agriculture intensive avec utilisation de produits chimiques (pesticides, fongicides, herbicides, engrais), de coupes rases, des peuplements denses et uniformes de résineux, des aires de régénération trop éclaircies et parfois engrillagées. Ce type d'exploitation oblige certaines communes à effectuer des forages de plus en plus profonds, les cours d'eau étant pollués, et aboutit à l'appauvrissement de la biodiversité au profit d'une uniformisation d'espèces du patrimoine floristique et faunistique. La faune y est victime, outre des chasses organisées par l'ONF qui lui procurent des ressources fort rentables, de l'intense circulation automobile des routes de la forêt domaniale. Elle lui demande en conséquence de créer une commission réunissant toutes les parties concernées afin de faire le bilan de la politique forestière actuelle, d'examiner la possibilité du classement de Fontainebleau en parc national et du détournement du trafic de transit des poids lourds vers les autoroutes via des bretelles de liaison entre l'A 5 et l'A 6, voire la mise en souterrain de certains tronçons routiers ou autoroutiers.

Réponse publiée au JO le : 04/08/1997 page : 2531

Texte de la REPONSE : Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question posée par l'honorable parlementaire concernant la forêt de Fontainebleau. La forêt de Fontainebleau est une forêt de plaine, dont le très intéressant patrimoine écologique fait l'objet d'une attention soutenue de la part des scientifiques, des membres des associations diverses, des propriétaires et des gestionnaires, privés ou publics, intéressés. Les modalités de sa préservation font parfois l'objet d'analyses divergentes, comme le souligne l'honorable parlementaire. La renommée de cette forêt est internationale, en raison de la richesse de son patrimoine naturel, mais également parce qu'elle est un haut lieu de l'histoire de la peinture et qu'elle a accueilli l'assemblée constitutive de l'Union internationale pour la conservation de la nature en 1948. Elle fait l'objet d'une très forte demande sociale de la part des habitants de la région parisienne qui l'utilisent pour la détente, la promenade, les sports de plein air et le découverte de la nature. Cette forêt est ainsi visitée par douze millions de personnes par an. Pour assurer la préservation de ce massif forestier, le Gouvernement a retenu le principe d'un classement en forêt de protection de préférence à la création d'un parc national. En effet, la forêt de Fontainebleau, fortement soumise à des pressions humaines et fragmentée par le passage de plusieurs infrastructures, est assez éloignée de l'idée que l'on peut se faire d'un parc national, vaste territoire de nature peu artificialisé, espace de silence où l'homme est un invité de la nature. Le statut de forêt de protection accordé par décret en Conseil d'Etat apporte une protection absolue du périmètre de la forêt tout en définissant les grandes lignes de gestion et les objectifs poursuivis pour concilier les impératifs de préservation des milieux naturels et des espèces avec l'accueil du public et l'exercice de certaines activités humaines. La procédure de classement en forêt de protection du massif de Fontainebleau est en cours d'instruction par la DDAF de Seine-et-Marne qui dispose d'un crédit d'étude de 1,5 million de francs pour préparer le dossier qui devrait être soumis, pour une grande partie du périmètre, à l'enquête publique en 1998. Parallèlement, l'Office national des forêts procède à la révision de l'aménagement de la forêt domaniale selon les directives énoncées par l'Etat, en soulignant la nécessité de l'implication de ce gestionnaire dans la préparation et le suivi de l'inscription de l'ensemble du massif sur la liste des forêts de protection. Le principe de créer un « Comité consultatif scientifique des usagers » est d'ores et déjà retenu afin d'établir, avec les différentes parties intéressées, une concertation pérenne et élargie. Enfin, il conviendra aussi à l'avenir d'examiner, comme vous le proposez, les problèmes de trafic routier au coeur du massif et le rétablissement des continuités territoriales entre les différentes zones fragmentées par les infrastructures existantes. Le classement en forêt de protection interdira à l'avenir tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements.

Question parlementaire du 24 mars 1997 : Foret de Fontainebleau : Classement en forêt de protection

ASSEMBLEE NATIONALE 6 10ème législature
Question N° : 46901 de M. Julia Didier ( Rassemblement pour la République - Seine-et-Marne ) QE
Ministère interrogé : agriculture, pêche et alimentation
Ministère attributaire : agriculture, pêche et alimentation
Rubrique : Bois et forets
Tête d'analyse : Foret de Fontainebleau
Analyse : Classement en foret de protection. perspectives

Question publiée au JO le : 06/01/1997 page : 11

Texte de la QUESTION : M. Didier Julia attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur le débat qui se développe actuellement entre plusieurs associations sur la meilleure manière de préserver la foret de Fontainebleau. Les unes militent pour un parc naturel national et les autres pour un statut de foret de protection conformément a l'orientation qu'il a lui-même donnée. Afin d'éclairer le débat, il lui sera reconnaissant de lui faire connaitre les arguments qui militent en faveur du statut de foret de protection pour le massif de Fontainebleau.

Réponse publiée au JO le : 24/03/1997 page : 1519

Texte de la REPONSE : La procédure de classement en foret de protection du massif forestier de Fontainebleau qui est actuellement en cours d'instruction a été retenue par le Gouvernement de préférence a celle du parc national. Cette position a été arrêtée après un examen objectif des conséquences d'un tel classement, eu égard a son impact juridique et a ses aspects financiers et techniques. La foret de Fontainebleau se compose principalement de propriétés de l'Etat et de communes, soumises au régime forestier. Cette situation implique une gestion forestière par l'Office national des forets, conformément aux directives de l'Etat, en liaison avec les ministères de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation et de l'environnement. Le classement en foret de protection apportera une protection absolue du périmètre de la foret tout en définissant les grandes lignes de gestion et les objectifs poursuivis.
Sur le plan juridique, le parc national n'apporterait aucune protection supplémentaire ni sur le plan foncier, ni en matière de gestion. Compte tenu des contraintes existantes, la gestion actuelle privilégie la protection des milieux et l'accueil du public, tout en s'efforçant de concilier ces deux activités parfois concurrentes du fait du haut niveau de fréquentation. Elle vise, en outre a assurer la pérennité globale des peuplements forestiers et de leur diversité biologique par des interventions sylvicoles, faute desquelles l'avenir serait compromis. Ces interventions s'attachent, dans toute la mesure du possible, a prendre en compte la perception paysagère du public.
Le classement en parc national impliquerait la mise en oeuvre d'un programme d'aménagement du parc approuvé par les ministres de l'environnement et du budget, mais hormis ce transfert de compétences le statut du parc national n'est pas susceptible d'apporter des modifications différentes en matière de gestion du massif. D'un point de vue financier, l'Office national des forets assure la gestion de la foret domaniale sur ses ressources propres, dans le cadre d'un équilibre financier apprécie au niveau national. La création d'un parc national devrait logiquement se traduire par un accroissement du personnel lié a la mission d'accueil. Le transfert a un parc national de la charge de gestion, inévitablement déficitaire dans un tel contexte, aurait pour effet d'individualiser le budget de gestion du massif, créant ainsi une charge financière pour la collectivité.
Sur le plan technique, le massif de la foret de Fontainebleau s'étend sur une superficie relativement faible (30 000 ha), or les parcs nationaux sont, pour la plupart, de vastes territoires ayant pour objet la conservation du milieu naturel même.
Sur le plan international, la notion du parc national s'identifie avec la protection forte d'un milieu naturel, même si l'accueil du public y présente un aspect important mais accessoire. La mise en place d'un parc national a Fontainebleau impliquerait une profonde révision du concept français du parc national l'éloignant ainsi du standard international en la matière, ce qui risquerait de se révéler contre-productif en matière d'image de marque de la politique française de conservation de la nature. Elle conduirait, en particulier, a engager une action énergique de limitation de la fréquentation et de détournement de la circulation. Pour toutes ces raisons, le statut de foret de protection parait mieux adapte que celui de parc national au cas de la foret de Fontainebleau.

Question parlementaire du 10 février 1997 : Foret de Fontainebleau : Classement en parc naturel

ASSEMBLEE NATIONALE - 10ème législature
Question N° : 48156 de M. Warsmann Jean-Luc ( Rassemblement pour la République - Ardennes ) QE
Ministère interrogé : environnement
Ministère attributaire : environnement
Rubrique : Bois et forets
Tête d'analyse : Foret de Fontainebleau
Analyse : Classement en parc naturel. perspectives

Question publiée au JO le : 10/02/1997 page : 635

Texte de la QUESTION : M. Jean-Luc Warsmann attire l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur la protection de la foret de Fontainebleau. Cette dernière a, durant les trente dernières années, subi une transformation inquiétante de ses caractéristiques écologiques en raison notamment des 12 millions de visiteurs chaque année. Au moment ou le label de « Parc naturel » va être accorde a l'ile de Beauté, a la mer d'Iroise et a la foret guyanaise, il lui demande d'accorder un tel label a la foret de Fontainebleau. Enfin il lui demande de retenir la méthode de régénération douce baptisee « pro sylva », déjà mise en oeuvre en Allemagne et dans les grands parcs des Etats-Unis d'Amerique du Nord.

Question caduque