Arrêt de la Cour administrative d'appel du 30 janvier 2001 : permis de construire de l'INSEAD

Cour administrative d'appel de Paris

N° 00PA02622 00PA02760   
Inédit au recueil Lebon
1E CHAMBRE
Mme GIRAUDON, rapporteur
Mme MASSIAS, commissaire du gouvernement


lecture du mardi 30 janvier 2001
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



sous le n 00PA02622 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 16 août et 6 octobre 2000, présentés pour la COMMUNE DE FONTAINEBLEAU, représentée par son maire en exercice, par la SCP d'avocats au Conseil d'Etat et à la cour de cassation LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; la commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 22 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé, à la demande de l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature, la décision du 7 septembre 1999 par laquelle le maire de la commune a délivré un permis de construire à L'Institut Européen d'Administration des Affaires pour l'édification de bâtiments sur un terrain situé route du Plessy-Mornay ;
2 ) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;
3 ) de rejeter la demande de l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature devant le tribunal administratif de Melun ;
4 ) de condamner l'association à lui verser ainsi qu'à l'institut la somme de 30.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU II ), sous le n 00PA02760 la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 31 août et 6 octobre 2000, présentés pour l'INSTITUT EUROPEEN D'ADMINISTRATION DES AFFAIRES, dont le siège social est ..., par la SCP d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; l'institut demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 22 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé, à la demande de l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature, la décision du 7 septembre 1999 par laquelle le maire de la commune de Fontainebleau lui a délivré un permis de construire pour l'édification de bâtiments sur un terrain situé route du Plessy-Mornay ;
2 ) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;
3 ) de rejeter la demande de l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature devant le tribunal administratif de Melun ;
4 ) de condamner l'association à lui verser ainsi qu'à la commune la somme de 30.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code du domaine de l'Etat ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2001 :
- le rapport de Mme GIRAUDON, premier conseiller,
- les observations de la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la commune de FONTAINEBLEAU,
- et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité du permis de construire :

Considérant que le terrain d'assiette de la construction autorisée par le permis litigieux, d'une superficie de 1 ha 55 a et 81 ca, a été acquis par l'INSTITUT EUROPEEN D'ADMINISTRATION DES AFFAIRES en vertu d'un acte d'échange conclu avec l'Etat le 21 mai 1999 ; qu'il est situé dans le périmètre du site classé, en vertu de l'arrêté ministériel du 2 juillet 1965, de la forêt domaniale de Fontainebleau ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.421-38-6-I du code de l'urbanisme : "Lorsque la construction se trouve dans un site classé ... le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord exprès de l'autorité compétente, en application du décret n 88-1124 du 15 décembre 1988 portant déconcentration de la délivrance d'autorisations exigées en vertu des articles 9 et 12 de la loi du 2 mai 1930 sur les monuments naturels et les sites ..." ; qu'en application de ces dispositions, la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, par lettre du 3 août 1999, a autorisé la délivrance du permis litigieux sous certaines remarques ; que le permis a été délivré assorti des prescriptions que ces remarques impliquaient ; que si, en vertu de l'article 14 de la loi du 2 mai 1930 susvisée, le déclassement total ou partiel d'un site classé ne peut être prononcé que par décret en Conseil d'Etat, il ressort des pièces du dossier que la modification de l'état des lieux autorisée par la ministre, compte tenu de la faible superficie en cause et de l'impact limité de l'opération autorisée, et en raison des compensations apportées par le pétitionnaire, qui s'engageait, en contrepartie de l'acquisition du terrain, à céder diverses parcelles d'une superficie sensiblement équivalente, dont il était propriétaire en forêt de Fontainebleau ainsi, que 16 ha boisés devant être rattachés à cette forêt, ne peut être regardée comme une dénaturation du site équivalant à un déclassement ; qu'ainsi, la COMMUNE DE FONTAINEBLEAU et l'INSTITUT EUROPEEN D'ADMINISTRATION DES AFFAIRES sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun, par le jugement attaqué, a considéré que le permis de construire litigieux ne pouvait être accordé qu'après le déclassement du terrain d'assiette prononcé par décret en Conseil d'Etat ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature tant devant le tribunal administratif de Melun que devant la cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.421-1-1 du code de l'urbanisme : "La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ..." ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le terrain d'assiette de la construction litigieuse, situé en forêt domaniale de Fontainebleau, a été acquis par l'INSTITUT EUROPEEN D'ADMINISTRATION DES AFFAIRES en vertu d'un acte d'échange conclu avec l'Etat le 21 mai 1999 ; qu'ainsi, à la date à laquelle le maire de la COMMUNE DE FONTAINEBLEAU a délivré le permis de construire attaqué, l'institut précité était propriétaire dudit terrain ; que si, en application de l'article L.62 du code du domaine de l'Etat, les bois et forêts domaniaux ne peuvent être aliénés qu'en vertu d'une loi et que l'aliénation susmentionnée n'a pas été autorisée par voie législative, cette circonstance, qui n'avait pas été portée à la connaissance du maire de la COMMUNE DE FONTAINEBLEAU lors de l'instruction de la demande du permis de construire litigieux, est sans incidence sur la légalité de cette autorisation de construire, dès lors qu'à la date à laquelle ce permis a été octroyé, l'aliénation du terrain n'avait pas été déclarée nulle, ni même n'avait fait l'objet de contestation ; que, par suite, le permis de construire litigieux n'a pas été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R.421-1-1 du code de l'urbanisme, nonobstant la circonstance que l'acte d'échange comporterait des mentions insuffisantes et sous-estimerait la valeur réelle des immeubles concernés ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R.421-2-A du code de l'urbanisme : "Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : ... 6 Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement ... Lorsque le projet comporte la plantation d'arbres de haute tige, les documents graphiques devront faire apparaître la situation à l'achèvement des travaux et la situation à long terme ..." ; que le volet paysager figurant dans le dossier de demande de permis de construire comporte des documents graphiques faisant apparaître l'emplacement de chaque arbre à conserver ou à planter, ainsi que la situation desdites plantations à long terme ; qu'ainsi, les dispositions précitées n'ont pas été méconnues ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature, Mme X..., directrice de la nature et des paysages, signataire de l'autorisation susmentionnée du 3 août 1999 accordée en application de l'article R.421-38-6 du code de l'urbanisme, bénéficiait d'une délégation de signature de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement en vertu d'un arrêté, régulièrement publié, en date du 24 septembre 1997 ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R.421-3-1 du code de l'urbanisme : "Lorsque les travaux projetés nécessitent la coupe ou l'abattage d'arbres dans les bois, forêts ou parcs soumis aux dispositions de l'article L.130-1 du présent code ou L.312-1 du code forestier, l'autorisation de coupe ou d'abattage et, le cas échéant, l'autorisation de défrichement sont jointes à la demande" ; qu'il ressort des pièces du dossier de la demande de permis de construire que celui-ci comportait l'autorisation de défrichement délivrée le 12 août 1999 par le préfet de Seine-et-Marne ; que la circonstance que cette autorisation a été délivrée en cours d'instruction de la demande du permis litigieux est sans incidence sur la légalité de ce dernier ;
Considérant, en cinquième lieu, que si le plan d'occupation des sols révisé de la COMMUNE DE FONTAINEBLEAU supprime le classement en espace boisé d'une bande de terrains dont fait partie la parcelle servant de terrain d'assiette à la construction litigieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette modification, compte tenu de la faible superficie des terrains en cause situés en limite d'agglomération à la lisière du massif forestier, serait incompatible avec les orientations du schéma directeur de la région Ile-de-France qui proscrit, en dehors des sites urbains constitués, toute nouvelle urbanisation à moins de 50 mètres des lisières des bois et forêts de plus de 150 hectares ;
Considérant, en sixième lieu, que l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature fait valoir que c'est en violation des dispositions de l'article L.111-1-4 du code de l'urbanisme que le règlement de la zone UF, où est située la parcelle litigieuse, autorise l'édification de constructions en bordure de la route nationale n 7 ; qu'aux termes de cet article : "En dehors des espaces urbanisés de la commune, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation ... Les dispositions des alinéas précédents ne s'appliquent pas dès lors que les règles concernant ces zones, contenues dans le plan d'occupation des sols ..., sont justifiées et motivées au regard notamment des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages" ; qu'il ressort des pièces du dossier que les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols de la commune relatives à la zone UF, ainsi que le rapport de présentation de ce document d'urbanisme, intègrent "le traitement des nuisances, la sécurité, la qualité architecturale et urbaine et l'intégration paysagère ..., notamment, par un accompagnement végétal de qualité" ; qu'ainsi, les dispositions précitées du code de l'urbanisme ne sont pas méconnues ;
Considérant, en septième lieu, que, contrairement à ce que soutient l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature, le rapport de présentation du plan d'occupation des sols justifie du respect des servitudes d'utilité publique, conformément aux dispositions de l'article R.123-17 du code de l'urbanisme ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré de la violation de l'article UF11 du règlement du plan d'occupation des sols n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE FONTAINEBLEAU et l'INSTITUT EUROPEEN D'ADMINISTRATION DES AFFAIRES, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir qu'ils soulèvent à l'encontre de la demande de l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature, sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé, à la demande de cette association, le permis de construire délivré le 7 septembre 1999 à cet institut ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de condamner l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature à verser à la COMMUNE DE FONTAINEBLEAU et à l'INSTITUT EUROPEEN D'ADMINISTRATION DES AFFAIRES une somme de 4.000 F en application de ces dispositions ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE DE FONTAINEBLEAU et l'INSTITUT EUROPEEN D'ADMINISTRATION DES AFFAIRES qui, dans la présente instance, ne sont pas la partie perdante, soient condamnés à verser à l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Article 1er : Le jugement en date du 22 juin 2000 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande de l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature présentée devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : L'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature est condamnée à verser à la COMMUNE DE FONTAINEBLEAU et à l'INSTITUT EUROPEEN D'ADMINISTRATION DES AFFAIRES la somme de 4.000 F en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Bibliographie 2000

Sylviculture


GOREAUD (F.).—Apports de l’analyse de la structure spatiale en forêt tempérée à ’étude et la modélisation des peuplements complexes. —Nancy:ENGREF, 2000. — 361p.(Thèse Docteur).

Géographie



AMAT (J.P.), BIRAUT-BUROT (I.), GODARD (V.), HOTYAT (M) - 2000 – Tempête en forêt de Fontainebleau : des échelles trop distanciées pour un diagnostic exhaustif. Enseignements à tirer des tempêtes de la fin décembre 1999. 7 décembre - 9 décembre 2000, Fontainebleau, France.
AMAT (J.P.), BIRAUT-BUROT (I.), GODARD (V.), HOTYAT (M) - 2000 – Tempête en forêt de Fontainebleau : des outils pour diagnostiquer, analyser et préparer l'avenir. Enseignements à tirer des tempêtes de la fin décembre 1999. 7 décembre - 9 décembre 2000, Fontainebleau, France.

Divers
Valleys, A. 2000. Fontainebleau. La forêt des passions. Editions Stock, Paris, 327 pages.

Question écrite régionale du 6 décembre 1999 sur le devenir de la forêt de Fontainebleau

CONSEIL REGIONAL ILE DE FRANCE

QUESTION ÉCRITE QE1999-045 du 15 octobre 1999
SUR LE DEVENIR DE LA FORET DE FONTAINEBLEAU

de M. Jean-Yves Le Gallou, Conseiller régional d’Ile-de-France
à M. Jean-Paul Huchon,
Président du Conseil régional d’Ile-de-France

La forêt de Fontainebleau, d’ores et déjà classée « réserve de biosphère » par l’UNESC0, est actuellement au coeur d’une polémique quant à l’évolution de son statut.
Le Groupe de Réflexion sur l’Avenir de la Forêt de Fontainebleau (GRAFF), qui rassemble des scientifiques, des représentants de collectivités locales, d’associations de protection de la nature et d’usagers, a récemment remis un rapport au ministre de l’Environnement afin d’orienter le choix définitif du statut à appliquer au massif bellifontain.
Les statuts envisagés actuellement sont au nombre de quatre :
- Les 3 premiers (Forêt de protection, Parc national ou Réserve nationale de biosphère) présentent certains avantages, mais un inconvénient majeur : ils sont axés sur une protection drastique de la faune et de la flore, au détriment de toute activité humaine, y compris de loisirs, au risque de geler tout à fait artificiellement des espaces entiers qui n’auraient plus de « naturels » que le nom. C’est en cela que l’extrémisme écologiste discrédite et s’oppose en fait au juste combat en faveur de la défense denotre environnement.
- Le dernier projet (Conservatoire périurbain de la nature) présente en revanche
l’avantage d’associer en toute transparence à la fois les élus des différentes
collectivités locales concernées (communes mais également Région) et les
représentants des associations d’usagers, ces véritables « passionnés » qui font vivre
la nature en la respectant, au même titre que les chasseurs, ailleurs, contribuent à la
sauvegarde du milieu naturel (ce qui implique bien évidemment qu’il s’agisse
d’activités « propres » : randonnée, escalade, VTT.. .).
M. Jean-Yves Le Gallou, Conseiller régional d’Ile-de-France, prie donc M. le Président
du Conseil régional de bien vouloir lui indiquer :
1 - Si la Région est associée à l’étude des différents projets de statuts, et dans le cas contraire pour quelles raisons et pour combien de temps ?
2 - Quelles initiatives le Conseil régional entend prendre, en qualité de collectivité locale de plein exercice ou par contact direct avec le ministère de l’Environnement, afin de sauvegarder la forêt de Fontainebleau comme le plus grand espace de loisirs libres d’Ile-de-France, en conciliant la protection du site avec l’attente des différents acteurs locaux, usagers notamment ?

REPONSE du 6 décembre 1999

L’attention du Président du Conseil régional est appelée par une question écrite de Monsieur Jean-Yves LE GALLOU relative aux différents projets de statuts applicables à la forêt de Fontainebleau.
Le Conseil régional a été étroitement associé aux travaux du groupe de réflexion présidé par le professeur Jean DORST, missionné par Madame la Ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, pour proposer des solutions permettant la gestion durable du massif. A l’issue de ces débats, auxquels participaient des élus locaux, l’ONF, des représentants des associations d’usagers de la forêt, de naturalistes, d’exploitants sylvicoles et de propriétaires, deux solutions ont été dégagées :
- le Parc National, qui permettrait de répondre aux objectifs de protection, d’éviter la dégradation de la forêt, tout en permettant sa gestion économique et l’accueil du public. Cette solution paraît cependant difficile à retenir compte tenu des spécificités du site (forêt compartimentée par de grands axes routiers, agglomération en coeur de massif, forte pression urbaine...) au regard des autres parcs nationaux,
- un établissement public spécifique, dont deux variantes sont possibles :
Conservatoire National Périurbain ou Réserve de Biosphère. Cet établissement public ad hoc serait chargé de gérer la forêt, 1’ONF devant rendre des comptes au Conseil d’Administration en fonction des orientations qui lui seraient données. Il assurerait aussi la concertation directe entre usagers, l’animation et l’accueil du public. Le choix des intitulés dépend de la procédure retenue, qui relève dans tous les cas de la compétence du Ministère de l’Environnement, et suppose le même niveau de concertation locale et d’implication des responsables associatifs et élus. Dans les deux cas, les statuts adoptés devront prévoir les modalités d’accueil des usagers de la forêt, qu’il s’agisse d’activités récréatives ou naturalistes.
Cette structure pourra également fédérer des partenaires indispensables tels que la PNR du Gâtinais français, le Pays de Fontainebleau ou l’association des Maisons de bornage de la Forêt, qui rassemblent des collectivités locales riveraines du massif. Elle est compatible avec le récent classement en forêt de protection et permet d’instaurer une gestion décentralisée et participative adaptée à la spécificité du massif de Fontainebleau.
A ce stade, il appartient à 1’Etat et aux collectivités locales de se prononcer sur les solutions à mettre en oeuvre, et d’engager les dispositions légales et administratives correspondantes.
Le Conseil régional, pour sa part, respectera le choix qui sera retenu et s’engagera à contribuer activement à cette structure, comme il le fait déjà pour les PNR franciliens.

Presse : Le Point du 2 juillet 1999

Le Point.fr - Publié le 02/07/1999 à 19:25
Un royal grenier naturel



Frédéric Lewino

Décision historique en vue : après mille ans d'un règne sans partage sur le massif de Fontainebleau, les forestiers vont devoir passer la main. D'ici à quelques semaines, la ministre de l'Environnement, Dominique Voynet, devrait annoncer au pays que le plus beau, le plus vaste, le plus fréquenté et le plus illustre domaine royal français ne sera plus géré par l'ONF (Office national des forêts), mais par un futur établissement public spécialement conçu pour l'occasion. Sa forme n'est pas totalement arrêtée. Le ministère hésite encore entre un conservatoire des espaces naturels périurbains et un parc national qui serait adapté à la situation de Fontainebleau.

Au fond, parc national ou conser- vatoire, peu importe. L'urgence est surtout de sauvegarder ce massif de 30 000 hectares qui, malgré ses 13 millions de visiteurs annuels, s'apparente à une fabuleuse arche de Noé. Il abrite la plus riche, la plus hétéroclite collection de plantes et d'animaux de toutes les plaines d'Europe de l'Ouest et centrale. Incroyable paradoxe : cette forêt entièrement façonnée par les hommes depuis des millénaires est l'un des greniers biologiques du Vieux Continent. Un recensement scientifique, mené en 1955, y répertorie 1 350 sortes de plantes à fleurs, 460 de mousses, 2 700 de champignons, 675 de lichens, 500 d'algues et 40 essences d'arbres. La faune n'est pas en reste avec 5 600 espèces d'insectes, 195 d'oiseaux, 57 de mammifères, 24 de reptiles et de batraciens... « Sur les 202 plantes protégées en Ile-de-France, le massif sert d'asile à 110 d'entre elles », explique Gérard Arnal, adjoint au directeur du Conservatoire botanique national du Bassin parisien.

Pour une douzaine de ces trésors végétaux, Fontainebleau est même devenu le dernier refuge régional. Exemples : l'ail jaune d'origine méditerranéenne, représenté par 13 pieds, l'aspérule des teinturiers, dont la racine contient un colorant rouge, la canche des marais, autrefois fréquente, le jonc à inflorescence globuleuse, l'ophioglosse des Açores, le trèfle pied d'oiseau, la discrète et fugace sagine noueuse. Sans oublier la très rare sabline à grandes fleurs, d'origine montagnarde, qui fait l'objet d'un programme de sauvetage par le Conservatoire botanique national du Bassin parisien. « Nous allons la croiser avec d'autres pieds trouvés près de Chinon afin de renforcer son patrimoine génétique », explique Gérard Arnal.

Fontainebleau permet, parfois, de faire des découvertes... inattendues. « Il y a longtemps, en me promenant à l'aube, je suis tombé sur un pendu qui était couvert de coléoptères très rares », se souvient ainsi, émue, Geneviève Meurgues, aujourd'hui sous-directrice de la Grande Galerie du Muséum national d'histoire naturelle de Paris. Mais, depuis le recensement de 1955, plusieurs espèces ont disparu. « Aussi, nous venons de décider la création d'un observatoire de la biodiversité », indique Yves Richet de Forges, directeur de l'ONF pour la région Ile-de-France.

Le rôle clé de l'homme

La chance de Fontainebleau, c'est d'être un carrefour climatique où les influences méditerranéennes, continentales, montagnardes et même boréales s'interpénètrent, permettant ainsi le concubinage de nombreuses espèces normalement étrangères. Le massif repose aussi sur un lit sableux et gréseux qui, au fil des millénaires, a modelé un paysage extrêmement varié, alternant les reliefs escarpés, les platières (grandes cuvettes de grès), les chaos rocheux, les gorges, les landes, les plaines et les plateaux.

Enfin, il ne faudrait surtout pas négliger le rôle clé de l'homme dans cette symphonie sylvestre. En exploitant la forêt, en l'enrichissant de nouvelles essences d'arbres, il a lui aussi façonné et pérennisé ce site remarquable. « La forêt de Fontainebleau est le produit d'une histoire dont l'homme est partie prenante depuis très longtemps », résume Patrick Blandin, professeur d'écologie générale au Muséum. Cette connivence remonte... au paléolithique. Cro-Magnon, qui y a laissé des milliers de gravures sur les rochers, favorisa, inconsciemment, l'expansion des espèces, comme le noisetier, dont il se nourrissait.

Mais la naissance officielle du domaine royal de Fontainebleau remonte aux alentours de l'an 1000, quand Robert le Pieux rassembla plusieurs fiefs seigneuriaux. Pendant huit siècles, la propriété des rois de France sera consacrée à la chasse. « Dès le XVe siècle, les forestiers ont su procéder à d'importants reboisements en recherchant les essences les mieux adaptées à des sols très divers », explique René-Pierre Robin, président de l'Association des amis de Fontainebleau. François Ier, qui parlait de « ses chers déserts », agrandit le domaine royal, et Henri IV, qui aimait y chasser le loup, fit percer la Route ronde.

Louis XIV, qui hérita d'une forêt devenue exsangue faute d'entretien, entreprit les premiers grands travaux d'aménagement. Il fit protéger les vieilles futaies, dans lesquelles il voyait un symbole de son pouvoir, et ordonna le reboisement de 3 000 hectares, en chênes principalement, et en hêtres accessoirement. Ses successeurs poursuivirent cette active politique en plantant tout au long du XVIIIe siècle 6 000 hectares supplémentaires de chênes, de hêtres, de charmes, de bouleaux. De nombreuses allées furent percées pour le passage des équipages de chasse à courre.

En 1786, les forestiers introduisirent les premiers pins sylvestres, si décriés depuis. Cependant, c'est Napoléon qui entama l'enrésinement massif des zones rocheuses, lequel se poursuivit sous Louis-Philippe, au point de provoquer l'ire des peintres de Barbizon (Théodore Rousseau, Corot, Millet, Diaz). Ils firent un tel scandale que, le 13 avril 1861, un décret impérial créait les « séries artistiques » protégeant 624 hectares de vieilles futaies. Pour la première fois au monde, il faut le signaler, un Etat protégeait officiellement un milieu naturel pour un motif autre que cynégétique.

En 1904, les forestiers portèrent cette surface protégée à 1 692 hectares, tout en poursuivant la plantation de 6 000 hectares de pins sur des sols trop pauvres pour accueillir des feuillus. Après ce dernier effort, Fontainebleau retomba en léthargie, car les Eaux et Forêts (ancêtre de l'ONF) n'avaient plus les moyens de l'entretenir. Une bénédiction pour la faune et la flore.

Le sommeil dura soixante ans. Jusqu'en 1970, année où Fontainebleau aux bois dormants fut brutalement réveillé par l'ONF, nouvellement créé. L'office décrète alors une cure radicale de jeunesse. A savoir une coupe rase de 42 % de la forêt échelonnée sur trente ans ! Soit le massacre à la tronçonneuse de 2 557 hectares de chênes, de 1 405 hectares de hêtres et de 3 158 hectares de résineux. L'équivalent de 10 000 terrains de football ! Les grandes manoeuvres débutent rapidement, les forestiers opérant par parcelles d'une vingtaine d'hectares à la fois. Aussitôt dénudées, elles sont plantées en arbrisseaux tristement identiques, du chêne ou du hêtre. C'est signer l'arrêt de mort de centaines d'espèces animales et végétales ! Misérablement, l'ONF consent à protéger seulement 416 hectares. La belle aumône...

Quand les promeneurs découvrent les premières parcelles ratiboisées, un sentiment de tristesse puis de colère les saisit. Sous la pression conjuguée de deux associations, les Naturalistes de la vallée du Loing et les Amis de la forêt de Fontainebleau, l'office accepte, au bout de quinze ans, de raboter ses ambitions. La surface des coupes est ramenée de 42 à 28 % de la forêt. Pour autant, ce recul ne satisfait pas les adversaires de l'ONF. L'Association des amis de la forêt de Fontainebleau continue à dénoncer l'enrésinement, la place, trop restreinte, accordée au hêtre, l'utilisation de produits chimiques et, surtout, les plantations uniformes.

En 1989, l'ONF reçoit consigne d'assouplir sa position. Il ne peut plus être question de rechercher la seule rentabilité forestière dans ce fleuron sylvicole. Son directeur de l'époque, Georges Touzet, applique alors les recommandations faites, à sa demande, par le professeur Jean Dorst, ancien directeur du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Arrêt des coupes rases et quadruplement des réserves biologiques, dont 580 hectares sont classés en réserves intégrales où le forestier est totalement interdit de séjour (voir encadré). Pour relier les réserves entre elles, l'ONF promet de conserver 61 bouquets de vieux arbres.

Le monopole des forestiers

La futaie régulière équienne (plantation d'arbres identiques) est jetée aux orties pour une futaie « jardinée » où plusieurs essences sont conservées. L'abattage des vieux arbres est décalé dans le temps afin de préserver le couvert. Les forestiers s'engagent également à maintenir au moins un arbre sénescent par hectare pour servir de havre aux insectes saproxylophages et aux lichens, ainsi que des arbres creux pour accueillir les oiseaux et chauves-souris cavernicoles. Enfin, le recours aux traitements phytosanitaires est limité.

« Je reconnais volontiers que nous avons fait beaucoup d'erreurs par le passé, plaide Yves Richet de Forges, le patron régional de l'ONF. Mais, aujourd'hui, nous en avons quasiment terminé avec les coupes rases et l'enrésinement. Dorénavant, nous pratiquons une gestion durable qui respecte la biodiversité et le paysage. »

Trop tard ! Dominique Voynet est bien décidée à scier le monopole des forestiers sur Fontainebleau. A l'automne dernier, elle chargeait un groupe d'experts, présidé par l'ancien directeur du Muséum d'histoire naturelle, Jean Dorst, de lui soumettre un projet d'avenir pour la forêt de Fontainebleau. Fin avril, le rapport était remis à la ministre, avec quatre propositions, dont la création d'un parc national réclamée par plusieurs associations écologistes et de nombreux scientifiques. Notamment par ces fameux éco-guerriers qui, depuis 1994, n'hésitent pas à faire parler la poudre : panneaux tagués, engins de débardage sabotés, occupation d'arbres, clôtures cisaillées, jeunes plants de cèdre arrachés, clous plantés dans les arbres pour gêner l'abattage.

Seulement, au coeur du massif, là où devrait se trouver la zone centrale ultraprotégée du parc national, on trouve... la ville de Fontainebleau. Le massif est également balafré par 144 kilomètres de routes à fort débit. Tout cela est parfaitement incompatible avec l'esprit d'un parc national. « Nous courrions le risque, alors, de voir les élus des parcs déjà existants prendre le prétexte de Fontainebleau pour réclamer des routes ou d'autres équipements jusqu'à présent interdits », confie Vincent Jacques Le Seigneur, conseiller technique au cabinet de Dominique Voynet. A moins de créer une catégorie spéciale de parcs à vocation périurbaine.

D'où l'autre solution du rapport Dorst qui séduit également Dominique Voynet : la création d'un conservatoire périurbain de la nature, calqué sur le Conservatoire du littoral. Ce nouvel établissement public serait chargé d'acquérir les espaces naturels autour des villes, à commencer donc par la forêt de Fontainebleau. L'Etat lui voterait une subvention annuelle, et la gestion de ses biens serait assurée par un comité scientifique, garantissant ainsi une gestion écologique.

Quoi qu'il en soit, parc ou conservatoire, l'ONF ne sera pas pour autant évincé de Fontainebleau. Il restera, mais en tant que bras armé de l'établissement public qui lui succédera. L'office saura-t-il se satisfaire de ce second rôle ? En tout cas, les forestiers n'ont pas l'intention de se faire voler comme au fond d'un bois. Ils défendront jusqu'au bout « leur » Fontainebleau.

Question parlementaire du 20 mai 1999 : Forêt de Fontainebleau : création d'un parc national

SENAT - Forêt de Fontainebleau : création d'un parc national

Question écrite n° 16539 de M. Emmanuel Hamel (Rhône - RPR) publiée dans le JO Sénat du 20/05/1999 - page 1639

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'information parue à la page 24 du quotidien Le Figaro du 8 mai 1999 selon laquelle le président d'une commission spéciale chargée d'examiner le projet de création d'un parc national sur la forêt de Fontainebleau lui a remis le 27 avril 1999 un rapport sur les travaux menés au sein du groupe de réflexion. Une des solutions proposées pour " la mise en place d'un statut particulier de gestion durable " sur cette forêt est " la création d'un parc national, établissement public, permettant (notamment) " une gestion concertée et scientifique du milieu classé " et " une réglementation de l'exploitation sylvicole ". Il lui demande quelle est sa réaction face à cette proposition et quelle suite elle entend lui donner.

La question est caduque