La République du 9 juin 2014 : Les coupes rases en forêt de Fontainebleau font débat

FontainebleauLes coupes rases en forêt de Fontainebleau font débat

Les coupes rases en forêt de Fontainebleau sont-elles bonnes ou nocives pour le massif ? Pour la première fois, une nouvelle association réclame l’abandon de cette pratique.

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Un étonnant spectacle de désolation : parfois, les promeneurs de la forêt de Fontainebleau ont la surprise de croiser des parcelles totalement rasées. Un drôle de spectacle, que l’ONF justifie par l’obligation de renouveller parfois les arbres âgés, de changer l’essence d’un peuplement ou bien quand les bois sont « totalement surannés et incapables de se reproduire ».
Une méthode qui ne fait pas l’unanimité. Olivier Tournafond, ancien président du Comité de pilotage Natura 2000, en a même fait son combat. Il vient de créer la « Société de Sauvegarde de la Forêt de Fontainebleau ». Pour lui, c’est clair : les coupes rases doivent être abandonnées sous peine de mettre en danger le massif : « Bientôt, la forêt ne sera plus que l’ombre d’elle-même, dit-il. Elle est vieillissante parce que le mode de gestion choisi fait que tous les arbres ont le même âge. Au commencement, c’est la coupe rase, à la fin, c’est la coupe rase. Peu importe les paysages, la biodiversité, les atteintes au sol, déjà si sec ! Elles portent atteinte aux sols, avec un risque de lessivage de la matière organique ».
Faux, nous répond l’ONF : « A Fontainebleau, les sols sont très variés ce qui contribue d’ailleurs à la richesse écologique et paysagère du massif. De fait, ils présentent des sensibilités à la coupe très différentes. Il convient donc pour l’ONF d’être vigilant car certains sols peuvent effectivement se révéler fragilisés par une mise en lumière forte alors que d’autres le supportent davantage ».
Bien décidée à se faire entendre, la nouvelle association dispose son propre comité scientifique, constitué notamment du professeur Annick Schnitzler de l’Université de Metz, biologiste et spécialiste des forêts anciennes. Et Olivier Tournafond propose de recourir plutôt à une futaie « irrégulière ou jardinée » : « Les arbres sont en mélange, de tous âges, presque comme la forêt naturelle. L’exploitation est non seulement possible mais plus avantageuse, puisque l’on récolte les arbres mûrs au fur et à mesure. Des études montrent qu’économiquement c’est plus rationnel qu’une coupe définitive ».

Débat entre scientifiques

Une approche que l’ONF n’exclue pas, selon les cas : « Ce mode de traitement peut, en effet, être approprié, et est d’ailleurs déjà localement utilisé à Fontainebleau. Son éventuelle généralisation est contrainte par des caractéristiques propres à cette forêt : des peuplements forestiers âgés et une population importante de gibier. Il ne faut pas tomber dans l’écueil qui viserait à ne promouvoir qu’une solution technique alors que nous devons réagir de façon pragmatique à des situations très différentes sur un massif aussi vaste et varié ».
Le débat entre scientifiques ne fait sans doute que commencer. La toute nouvelle association réclame un moratoire immédiat sur les coupes rases et la révision du plan d’aménagement de la forêt. Les techniciens de l’ONF, en attendant restent sur leurs positions : « La fréquence des coupes rases ne s’est pas accélérée ces dernières années ».
Yoann VALLIER