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Sénat : séance du 21 juillet 1959

SENAT
JO S p. 590
Séance du 21 juillet 1959

M. Etienne Dailly. J'ai le sentiment de ne pas aborder le Sénat dans les conditions les meilleures (Sourires), mais je lui demande son indulgence, et d'autant que je parle au nom de mes collègues sénateurs -de Seine - et - Marne, MM. Lalloy et Lévéque, et aussi au nom de notre collègue Bonnefous, sénateur de Seine-et-Oise. Le paragraphe 2° de l'article unique du texte qui nous est soumis comporte un alinéa prévoyant au titre des travaux publics un montant de 54 milliards. Si l'on se reporte aux documents annexes, - et notamment à la page 38 du fascicule qui nous a .été ramis, on constate qu'au quatrième alinéa 2.700 millions sont affectés notamment à la suppression du Barrage de Samois et à la reconstruction du barr•age de la Cave. Je m'excuse d'aborder un sujet qui touche à notre département de Seine-et-Marne, mais je suis -persuadé que, malgré tout, je serai compris sur la plupart des travées du Sénat. Se basant sur le fait que les barrages de Samois en amont et de la Cave en aval sont vétustes, le projet consiste à supprimer purement et simplement le barrage de Samois et à rehausser celui de la Cave de 2,05 m, ce qui amène le rehaussement du plan d'eau entre le barrage de Samois en amont et le barrage de la Cave en aval, de 2,05 m. Sur une longueur de 7 kilomètres entre les deux barrages, c'est-à-dire entre les deux communes de Samois et de Chartrettes le niveau du fleuve sera donc rehaussé de plus de 2 mètres. Bien entendu. la surélévation des eaux entraînerait des inondations importantes et pour y remédier, on 'prévoit la construction de digues destinées à conter les eaux, digues oui vont s'étendre sur la rive gauche sur 7 km et sur la rive droite sur 1 km.
Cela ne serait pas grave et je ne me permettrais pas de retenir à cette heure avancée l'attention du Sénat, si la courbe de la Seine n'englobait précisément en cet endroit une portion importante de la forêt de Fontainebleau, dont la valeur touristique et la popularité tant parisienne qu'internationale en font une des plus grandes richesses de Ile de France Je sais bien, et vous l'avez fait dire cet après-midi par M. le directeur des voies navigables, que ces digues ne seront que des levées de terre, qu'elles ne seront pas bétonnées, je sais bien que ces dignes seront, paraît-il, gazonnées, que leur hauteur moyenne sera de 1 rn à 1,90 m seulement. - Mais je sais aussi — c'est encore M. le directeur des voies navigables qui nous l'a dit cet après-midi — qu'elles supporteront une route de 6 m de large qui bordera la forêt de Fontainebleau. Que restera-t-il, je. vous le demande, de l'aspect de la bordure de la forêt auquel tous les efforts des eaux et forêts ont tendu à conserver le caractère naturel et sauvage ? 11 perdrait d'un seul coup par la présence de ce mur tout l'attrait qui en fait la valeur touristique.
La forêt de Fontainebleau, mes chers collègues, est un bien national, elle est attaquée de toute part notamment par une autoroute dont je tiens à dire que je ne crois pas cependant raisonnable de modifier le tracé, par des forages pétroliers de plus en plus nombreux qui constituent la menace la plus grave, car les prescriptions de M. le ministre de l'industrie et du commerce ne sont pas respectées et que nous risquons des accidents sérieux, les eaux salées des bourbiers risquant de stériliser de nombreux hectares de futaie. Bordure de forêt saccagée, ruine de l'un des plus beaux sites de l'Ile-de-France. nécessité de canaliser. et d'évacuer les eaux usées de cinq communes, villas en bordure de forêt, dont un hôtel, perdant leur accès sur la Seine et leur vue sur le fleuve, terrains invendables, voilà tout ce que représente le projet qui nous est soumis, pour les communes' de Bois-le-Roi, de Samois, de Chartrettes, d'Héricy et de Fontaine-le-Port.
Il y a d'ailleurs dans tout cela, monsieur le ministre, quelque chose qui étonne. Certes, ce projet a été étudié par votre administration voici une trentaine d'années, mais avant. de redevenir le projet de vos services il était depuis plusieurs mois celui du consortium pour d'aménagement et la modernisation de la Seine, Et cela est si vrai que le président de ce consortium, qui se trouve être en même temps le président du syndicat national des sables et graviers (Exclamations!), dans sa dépêche de presse du 18 juin, s'exprimait en ces termes: « Sur la haute Seine, de Paris à Montereau, le consortium a décidé la reconstruction des barrages du Coudray et de la Cave et ultérieurement la suppression des barrages de la Citanguette et de Samois. » Comme si, en dehors du Gouvernement et du Parlement, un organisme quelconque pouvait avoir en la matière un pouvoir quelconque de décision! Ce qui nous inquiète encore davantage, ce sont ces bruits persistants qui circulent dans la région quant à l'ouverture d'une sablière cur la rive gauche derrière les digues dont il s'agit, en bordure de la forêt de Fontainebleau, ce qui constituerait une véritable catastrophe.

Un sénateur au centre. Nous ne sommes pas au conseil général de Seine-et-Marne!

M. Etienne Dailly. Si je pouvais défendre avec efficacité cette thèse au conseil général de Seine-et-Marne, je le ferais, malheureusement, c'est uniquement à l'occasion de la discussion de ce projet de loi de programme que je peux le faire! Nul ne saurait valablement contester la nécessité de moderniser le réseau navigable de la Seine et même de la haute Seine. Mais n'existe-t-il pas d'autres solutions moins onéreuses et, au demeurant, moins dramatiques et plus conformes à l'intérêt général ? Ne pourrait-on pas, par exemple, relever les eaux du bief d'aval d'un mètre seulement et creuser le bief d'amont également d'un mètre ?
Monsieur le ministre, en déposant cet amendement, les trois sénateurs de Seine -et-Marne et leurs collègues de Seine-et-Oise ont voulu simplement vous donner l'opportunité de dire au Senat:
premièrement, que vous entendez protéger la forêt de Fontainebleau, particulièrement en cet endroit;
deuxièmement, qu'aucune ouverture de sablière ne sera autorisée sur la rive gauche de la Seine au voisinage de la forêt de Fontainebleau entre les barrages de Samois et de la Cave;
troisièmement, que vos services vont faire l'impossible pour examiner' et retenir la solution intermédiaire qui - consisterait à creuser le bief d'amont d'un mètre pour ne rehausser le bief d'aval que d'un mètre seulement, réduisant ainsi la hauteur des digues à des proportions acceptables;
quatrièmement, que si cette solution souhaitable devait être écartée, les maires des communes riveraines- et les sénateurs devraient être consultés par vos services pour que nous puissions rechercher ensemble les moyens de protéger malgré tout cette région qui constitue l'un des plus beaux sites de l'Ile e-de-France.

M. le ministre des travaux publics et des transports. Je demande la, parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics et des transports. Quant à mes intentions concernant la protection de la forêt de Fontainebleau, je pense superflu d'y insister; en ce qui concerne le bras de Seine considéré, je m'y suis baigné des mon plus jeune âge et j'ai pu en apprécier maintes fois le charme. (Sourires.)
Cela étant, je voudrais répondre en trois phrases.
Premièrement, les travaux sont utiles et le deviennent bien plus qu'il y a trente ans puisque, effectivement, disons-le, l'extraction des matériaux de construction, et particulièrement des sables et graviers, a pris une importance considérable dans le moment présent, du fait de l'importance des travaux de construction entrepris dans la région parisienne et de l'épuisement progressif des carrières proches.
Deuxièmement, ce fait admis, il faut que les travaux ne créent qu'une gêne aussi réduite que possible aux riverains et n'allèrent en rien l'esthétique des sites.
Troisièmement., je me suis rendu moi-même sur place et j'ai en une longue discussion avec les maires des communes intéressées il y a quelques mois alors que nous n'en étions même pas encore au stade de l'avant-projet. A fortiori, dorénavant, c'est en liaison avec les maires et les élus de la région que nous prendrons les décisions définitives concernant l'aménagement, de ce bras de Seine. (Applaudissements' et sourires sur divers bancs.)