Fédération des Associations de Protection de la Vallée de la Seine du Sud Seine et
Marnais
Union
d'association agréée et habilitée
au titre du
code de l'environnement
Déclaration
du 25 février 1977 (J.O. 17/03/1977)
RNA n° W774000506 n° SIREN : 519666499
Maison
dans la Vallée - 1, rue Lola Dommange
77210 Avon
|
Société de Sauvegarde de la Forêt de Fontainebleau et de la Vallée de
la Seine
Association loi 1901
JORF du 15 février 2014 p.
749
RNA n W774005423 n° SIREN : 800430183
24 bd Thiers
77300 Fontainebleau
|
Avis
de la FAPVS77 et de la SSFFVS
sur
le Programme régional de la forêt et du bois (PRFB)
2019-2029
d’Île-de-France
23 août 2016
Sommaire
Sommaire
Introduction
1. Une volonté affichée d'augmenter les coupes, en fonction d'objectifs aux sources discutables
a) une augmentation de la récolte entre 17 % et 37 %
b) Une ressource disponible selon l'étude ADEME/IGN/FCPA de 2016 ne précisant pas les sources
c) Une absence de calcul par massif
2. Une volonte insidieuse d'augmenter l'enrésinement au détriment des feuillus
a) une politique d'enrésinement en lien avec le marché du bois
b) les inconvénients de l'enrésinement
c) L'absence de prise en compte de la situation des massifs : le cas de Fontainebleau
3. La reconnaissance de principe de l'abandon de la coupe rase
4. Les impacts négatifs du PRFB et les mesures d'évitement
5. le respect du cadre juridique : la fixation des objectifs par massifs
Conclusions
Annexes
Annexe 1 : analyse du plan d'aménagement de la forêt de Fontainebleau et de la forêt des Trois-Pignons 2016-2035
Annexe 2 : le parisien du 6 août 2019 : "Seine-et-Marne. Pins et hêtres dépérissent dans le massif de Fontainebleau"
Annexe 3 : La république de Seine et Marne du 11 août 2019 : "Seine-et-Marne : les pins de la forêt de Fontainebleau meurent de la sécheresse"
Introduction
1. Une volonté affichée d'augmenter les coupes, en fonction d'objectifs aux sources discutables
a) une augmentation de la récolte entre 17 % et 37 %
b) Une ressource disponible selon l'étude ADEME/IGN/FCPA de 2016 ne précisant pas les sources
c) Une absence de calcul par massif
2. Une volonte insidieuse d'augmenter l'enrésinement au détriment des feuillus
a) une politique d'enrésinement en lien avec le marché du bois
b) les inconvénients de l'enrésinement
c) L'absence de prise en compte de la situation des massifs : le cas de Fontainebleau
3. La reconnaissance de principe de l'abandon de la coupe rase
4. Les impacts négatifs du PRFB et les mesures d'évitement
5. le respect du cadre juridique : la fixation des objectifs par massifs
Conclusions
Annexes
Annexe 1 : analyse du plan d'aménagement de la forêt de Fontainebleau et de la forêt des Trois-Pignons 2016-2035
Annexe 2 : le parisien du 6 août 2019 : "Seine-et-Marne. Pins et hêtres dépérissent dans le massif de Fontainebleau"
Annexe 3 : La république de Seine et Marne du 11 août 2019 : "Seine-et-Marne : les pins de la forêt de Fontainebleau meurent de la sécheresse"
Introduction
En application de l’article
L.123-19 du code de l’environnement, une participation du public par voie
électronique est organisée afin de recueillir ses observations et propositions
sur le projet de Programme régional de la forêt et du bois (PRFB) 2019-2029
d’Île-de-France.
Le programme régional de la forêt
et du bois 2019-2029 d’Île-de-France, établi conformément aux dispositions
prévues par le code forestier (notamment les articles L.122-1 et D. 121-1 et
suivants), :
- adapte à la région francilienne les orientations et les
objectifs du programme national de la forêt et du bois (PNFB), approuvé par le
décret n° 2017-155 du 8 février 2017 ;
- est élaboré par la commission régionale de la forêt et du
bois (CRFB), présidée conjointement par le préfet de région et la présidente du
conseil régional. Cette commission comprend notamment les services régionaux et
établissements publics de l’État, des représentants des collectivités
territoriales, de la filière forêt-bois et des associations de protection de
l’environnement et d’usagers de la forêt ;
- a fait l’objet d’une évaluation environnementale,
conformément aux articles L122-4 et suivants du code de l’environnement. Le
projet de PRFB et son évaluation environnementale ont également été soumis à
l’avis de l’Autorité environnementale ;
- est soumis à la participation du public ;
- sera arrêté par le ministre chargé des forêts.
La Fédération des Associations de
Protection de la Vallée de la Seine du
Sud Seine et Marnais et la Société de
Sauvegarde de la Forêt de Fontainebleau et de la Vallée de la Seine ont analysé
ledit document en fonction de plusieurs inquiétudes ou points à souligner :
- l'accroissement des
objectifs d'abattages, avec des sources capacitaires et la prise en compte des
questions environnementales et paysagères discutables (1);
- la promotion de
l'augmentation de l'enrésinement et ses inconvénients (2);
- la fin présumée de la
coupe rase, que nous jugeons favorable en principe, mais mis en œuvre de
manière contestable (3);
- l'évaluation de
l'impact environnemental, qui paraît bien insuffisante (4)
- des considérations sur
le cadre juridique et notamment l'absence de fixation d'objectifs massif par
massif (5).
Ces
ONG tiennent à mettre l'analyse de ce programme en lien avec l'analyse
du plan d'aménagement de la forêt de Fontainebleau et de la forêt des
Trois-Pignons 2016-2035 (annexe) qui semble déjà appliquer des principes
identiques à ceux qui ont présidés ce PRFB, avec des effets particulièrement
négatifs soulignés par l'aménagiste.
1. Une volonté affichée d'augmenter les coupes, en fonction d'objectifs aux sources discutables
a) une augmentation de la récolte entre 17 % et 37 %
Le programme national de la forêt
et du bois (PNFB) comme le programme régional de la forêt et du bois (PRFB)
s'inscrivent dans une logique du toujours plus productiviste, que le
législateur a encouragée par la loi sur la transition énergétique adoptée le 22
juillet 2015 qui prévoit de renforcer la part des énergies renouvelables pour
atteindre 32 % de la consommation d'énergie en 2030, contre 13,7 % en 2012. La
biomasse devrait représenter 40 % de la part des énergies renouvelables dans le
bouquet énergétique en 2020, ce qui implique de "mobiliser" les
ressources forestières, dans des proportions qui peuvent être critiquées.
Le PRFB indique p. 38 : "Conformément
aux objectifs du PNFB, et ce en intégrant les enjeux économiques,
environnementaux et sociaux spécifiques à l’Île-de-France, les objectifs
régionaux de mobilisation supplémentaire de bois ont été déterminés selon les
usages :
Il en ressort plus clairement les objectifs suivants :
en milliers
de m3/an
|
Récolte actuelle (2016)
|
Scénario tendanciel
|
Scénario dynamique
|
Bois d’œuvre potentiel
(BO-P)
|
130
|
146
|
171
|
Bois industrie bois
énergie potentiel (BIBE-P) |
612
|
725
|
844
|
Total
|
742
|
871
|
1015
|
La citation des enjeux
environnementaux paraît être d'une certaine hypocrisie.
b) Une ressource disponible selon l'étude ADEME/IGN/FCPA de 2016 ne précisant pas les sources
Ce qui est plus intéressant est d'analyser le plan en amont
et aval.
En amont sur l'origine des chiffres autorisant une
telle "mobilisation", c'est à dire le potentiel de production étant
entendu que l'exploitation doit rester raisonnable.
En aval, sur la répartition de cette augmentation
drastique : le PRFB ne le fait quasiment pas et donne des lignes
directrices très molles.
Cependant, il est évident que les hypothèses du PRFB sont
fondées sur des statistiques globalisées mais provenant d'hypothèses localisées
en fonction des situations et capacités de chaque massif concerné.
Pour déterminer leur origine, il
faut se rapporter à l'annexe du PRFB qui indique : "La ressource
disponible à horizon 2029 dépend de critères technico-économiques qui ont été
définis dans l’étude ADEME/IGN/FCBA de 2016. Cela correspond à la
disponibilité technico-économique future. Cette dernière équivaut à la quantité
de bois rond qui pourrait être récoltée à l’horizon 2029. Elle correspond au maximum
théorique de récolte au regard des aspects techniques et économiques liés à
l’exploitation du bois, et est établie d’après l’étude" (p. 137).
Ce renvoi à l'annexe d'un élément pourtant fondamental pour
la détermination des objectifs est déjà passablement inquiétant.
Il l'est encore plus lorsque l'on sait que cette
"étude ADEME/IGN/FCBA de 2016" n'a pas été jointe au projet de
PRFB, ce qui ne permet ni d'en disposer, ni d'en vérifier la pertinence : alors
qu'elle est censée fonder le PRFB, alors que l'on ne dispose pas des scenarii
fondant l'ouvrage ni les données de base.
Néanmoins, on peut se procurer ce
rapport ici : https://www.ademe.fr/disponibilites-forestieres-lenergie-materiaux-a-lhorizon-2035.
On en jugera le caractère sommaire sur l'origine des données.
Le rapport traduit les disponibilités en bois par
régions administratives en 2031-2035 selon deux scenarii :
- "sylviculture constante"," calculé à
partir des coupes observées actuellement, simule le maintien des pratiques
actuelles de gestion pendant les 20 prochaines années";
- "gestion dynamique progressif' (sic) qui
"consiste à augmenter progressivement les taux de coupe du scénario de
sylviculture constante jusqu’à un niveau variable selon les catégories de
propriétés et les zonages de gestion et dans le respect des principes de la
gestion durable".
Nous avons établi un tableau
extrayant les données de ce rapport donnant les hypothèses pour l'lle de
France, que l'on pourra comparer aux hypothèses du PRFB :
disponibilités
technico-économiques
(selon l'usage actuel)
|
Disponibilités
supplémentaires (c’est-à-dire la quantité de bois disponible en plus des
usages actuels)
|
|||||||||||
période 2031-2035
en milliers de m 3/an
|
bois d’œuvre potentiel
(BO-P)
|
bois industrie bois
énergie potentiel (BIBE-P) |
bois d’œuvre potentiel
(BO-P)
|
bois industrie bois
énergie potentiel (BIBE-P) |
||||||||
tous feuillus
|
résineux
|
toutes essences
|
tous feuillus
|
résineux
|
toutes essences
|
tous feuillus
|
résineux
|
toutes essences
|
tous feuillus
|
résineux
|
toutes essences
|
|
sylviculture constante
|
397
|
42
|
439
|
582
|
30
|
611
|
101
|
11
|
112
|
143
|
7
|
150
|
gestion dynamique
progressif
|
561
|
53
|
615
|
720
|
56
|
776
|
266
|
22
|
287
|
281
|
33
|
315
|
On ne dispose pas des sources des
chiffres de l'étude pour l'IDF de l'étude ADEME/IGN/FCBA : il est donc
impossible d'en juger la pertinence ni d'avoir une ventilation par massifs.
c) Une absence de calcul par massif
Cette omission de ce document
fondamental qui fait corps finalement avec le PRFB est encore plus inquiétante
lorsque l'on constate que le mode de calcul permettant la transformation des
résultats de cette étude, qui fixe des maxima, en objectifs tenant compte
d'autres impératifs que productivistes n'est pas fourni (malgré l'annexe du
PRFB qui ne donne pas de détail massif par massif composant pourtant l'ensemble
du calcul) !
L'annexe du PRFB souligne
d'ailleurs une incohérence des sources statistiques (p. 136), ce qui peut
légitimement faire douter de la fiabilité : "L’EAB[1]
indique une récolte en 2016 de 102 533 m3 de feuillus et 10 797 m3 de résineux,
soit un total de 113 350 m3 de bois d’oeuvre.
Le prélèvement IGN déduit de
l’étude ADEME/IGN/FCBA donne une récolte pour 2016 de BO de 327 000 m3 (en
incluant le peuplier), dont 296 000 m3 de feuillus et 31 000 m3 de résineux.
Ces deux sources sont en
inadéquation."
2. Une volonte insidieuse d'augmenter l'enrésinement au détriment des feuillus
a) une politique d'enrésinement en lien avec le marché du bois
Le projet de PRFB souligne que le
marché souhaite plus de résineux alors que l'offre de la forêt francilienne
correspond plutôt à des feuillus.
On citera ainsi :
- p. 26 : "Le bois d’œuvre (BO) a, de son côté,
connu une diminution de 33 % ces dix dernières années (-3 % moyenne annuelle)
en lien avec la quasi absence d’activités de sciage et de première
transformation dans la région et la déconnexion entre l’offre (feuillus) et la
demande (résineux)" ;
- p. 39 : "Le contexte actuel de la forêt
francilienne avec 94 % d’essences feuillues n’est pas adapté à la demande
actuelle en résineux du marché notamment pour la construction bois. Aussi, il a
été décidé en groupe de travail d’une part, de privilégier une stratégie
d’adaptation de la demande à l’offre, d’autre part, de ne pas fixer d’objectif
de surface supplémentaire de résineux en Île-de-France (sauf station exclusive,
biodiversité et diversité des peuplements)".
b) les inconvénients de l'enrésinement
Certes, le PRFB ne fixe pas
d'objectif mais insiste lourdement sur la nécessité d'augmenter l'enrésinement,
tout en reconnaissant en demi teinte les graves inconvénients pour les sols et
la biodiversité de cette augmentation. Cela se ressent clairement à la lecture
d'un tel paragraphe très lourd de contradictions internes (p. 41) : "D’autre
part, souhaitant mettre l’accent sur la valorisation et le maintien de la
fertilité et viabilité des sols, de la biodiversité, de l’adaptation et de
l‘atténuation du changement climatique et de l’accueil du public, le PRFB ne
fixe pas d’objectifs chiffré d’enrésinement des forêts franciliennes.
Néanmoins, ces derniers étant conformes à la demande du marché (notamment pour
la construction), il peut être bénéfique pour ce dernier, ainsi que pour la
diversité des peuplements, d’introduire des résineux. Cela doit s’effectuer
dans des conditions respectueuses de l’environnement, de la biodiversité et des
caractéristiques locales des sols, ainsi que de la station forestière
(adéquation essence/station)".
Les inconvénients des résineux sont pourtant
parfaitement connus de la littérature scientifique. Nous citerons entre autre
l'étude de L. Augusto – J. Ranger – M. Bonneau, influence des essences sur la
fertilité chimique des sols. Conséquences sur les choix sylvicoles, Rev. For.
Fr. LII - 6-2000, p. 507[2]:
- Dépôts atmosphériques acides : "Les zones
forestières soumises aux dépôts atmosphériques acides sont donc d’autant
touchées que leur canopée est composée d’essences résineuses",
- Altération des minéraux du sol : "il
apparaît que des essences résineuses, comme l’Épicéa commun ou le Pin
sylvestre, conduisent à une altération des minéraux 3 à 4 fois plus forte que
les essences feuillues, comme le Hêtre ou le Chêne",
- Pertes d’éléments dans les eaux de drainage :
"La substitution d’essence peut être à l’origine d’une modification du
fonctionnement biogéochimique et microclimatique de l’écosystème qui conduit in
fine à une modification des flux de drainage. C’est ce qui a été constaté
lorsque l’Épicéa commun remplace des essences feuillues comme le Chêne ou le
Hêtre, avec des pertes qui sont multipliées entre 1,5 à 4 fois pour les
résineux, au moins lors de la première révolution (tableau III, ci-dessous). Ce
résultat implique que la plantation d’essences résineuses sur des stations très
pauvres en éléments nutritifs et ayant un régime hydrique très drainant (fortes
précipitations annuelles ; texture grossière du sol ; absence d’horizon
imperméable) peut conduire à un appauvrissement plus ou moins prononcé du sol",
- Acidité et taux de saturation du sol : "l’acidité
(c’est-à-dire des pH bas) et le rapport C/N (5) des sols hiérarchisent les
essences de la façon suivante (Augusto, 1999) : (Épicéa et Pin) ≥ (Sapin) ≥
(Douglas) ≥ (Chênes et Hêtre). L’activité biologique des sols étant favorisée
par de faibles acidités et rapports C/N, c’est sous les feuillus que celle-ci
est, en moyenne, la plus élevée", "L’acidification d’un sol
étant définie comme la baisse de son pH et de son taux de saturation, il
apparaît que les essences résineuses comme l’Épicéa ou le Pin acidifient en moyenne
plus les sols que les essences feuillues",
- Les litières
acides : "L’acidité des litières (pH) et leur difficulté à se
dégrader (rapport C/N (Note 5 : C/N = rapport carbone/azote. Plus le rapport
C/N d’un tissu organique est élevé, et plus sa dégradation (par la microfaune
et la microflore) est rendue difficile)) discriminent les essences en trois
groupes (Augusto, 1999) : l’Épicéa commun et le Pin sylvestre ont les litières
les plus acides et les moins biodégradables alors que celles des Chênes ou du
Hêtre sont moins acides et se dégradent plus vite",
- Diminution de la biocénose et structure du sol :
"Le fait le plus remarquable concerne l’importante diminution, voire la
disparition, des vers de terre sous l’Épicéa, le Sapin, le Douglas et le Pin par
rapport aux essences feuillues (voir Ponge et al., 1986 pour un exemple). La
réduction de la pédofaune broyeuse et fouisseuse est probablement causée par
l’acidification du sol et les caractéristiques de la litière (dureté, épaisseur
des cires, composition). Cette réduction de la pédofaune peut ralentir le
recyclage des éléments contenus dans les litières et pourrait être à l’origine
de la diminution de la structuration du sol observée par plusieurs auteurs (par
exemple : Nys, 1987)."
Les résineux
sont reconnus comme un facteur de podzolisation qui se caractérise par
la dégradation des argiles par des acides organiques, signes d'acidification
des sols. Cette diminution du pH provoque la formation de complexes entre les
molécules organiques et les métaux (fer, aluminium), complexes qui sont ensuite
lessivés par les eaux. La podzolisation aboutit donc à un sol (le podzol)
acide, pauvre en métaux et donc peu fertile (voir BONNEAU M., A. BRETHES, F.
LELONG, G. LEVY, C. NYS et B. SOUCHIER, 1979.- Effets de boisements résineux
purs sur l'évolution et la fertilitéé du sol. Rev. For. Fr., XXI-3, 198-207 ou
encore Anne-Marie ROBIN, Les sols sur sables soufflés de la forêt de
Fontainebleau et leur fragilité BuU. Soc. bot. Fr., 137, Lettres bot. (213),
211-220, (1990)[3]).
c) L'absence de prise en compte de la situation des massifs : le cas de Fontainebleau
Dans son document d'aménagement de la Forêt de
Fontainebleau, justement formée de stations très pauvres en éléments nutritifs
et ayant un régime hydrique très drainant, que nous analysons en annexe 1,
l'aménagiste de l'ONF souligne également les risques occasionnés par
l'enrésinement sur les sols et notamment la podzolisation même s'il
persiste dans une politique illogique d'augmentation de la surface en pins.
Il est visible que le PRFB, qui
ne tire aucune conséquence de son orientation vers l'enrésinement, aurait dû
tenir compte de la situation particulière de l'Ile de France et plus encore de
ce massif, alors que le code forestier lui impose de donner des orientations.
Ceci est d'autant plus préoccupant que les pins semblent souffrir de la
sécheresse (annexes 2 et 3). Au regard des objectifs qu'il s'attribue lui-même,
il nous semble qu'il est incohérent.
3. La reconnaissance de principe de l'abandon de la coupe rase
Signe de temps plus raisonnables
et de l'efficacité des associations de défense de l'environnement, les
autorités forestières reconnaissent enfin les méfaits de la coupe rase (forêt
traitée en mode régulier) employée à grande échelle. Il s'agit pour nous de
souligner une victoire morale (p. 44) : "Une gestion forestière durable
concilie économie et écologie, et doit contribuer à maintenir, voire accroître
la diversité des milieux, des espèces et de leur patrimoine génétique. Il est
nécessaire d’intégrer la biodiversité dans la gestion courante, et de maintenir
et améliorer les fonctions de protection, notamment vis-à-vis du sol et de
l’eau. Afin de valoriser la fertilité et la biodiversité des sols
forestiers, il est recommandé aux gestionnaires d’éviter les coupes rases,
de conserver des arbres âgés lors des coupes d’éclaircie et de régénération
pour améliorer l’établissement des semis et leur nutrition, d’augmenter la
diversité des essences et des classes d’âge".
Notre joie n'est pas sans
mélange, car on sent non seulement une réticence dans cette reconnaissance mais
encore l'introduction d'une idée de rajeunissement des peuplements, qui loin
d'être positive signifie l'incomplète application de la gestion irrégulière et
surtout une augmentation des abattages sous le couvert de "dynamiser la
gestion" (p. 65) : "L’analyse des incidences rappelle cependant
que ces incidences à priori positives telles qu’elles sont affichées dans le
PRFB méritent une traduction opérationnelle concrète. Entres autres, le
rajeunissement potentiel de certains massifs pour dynamiser la gestion peut
induire une diminution des habitats de vieux bois auxquels sont inféodées des
communautés d’espèces remarquables. Des coupes rases aux impacts (pas seulement
négatifs) potentiellement importants (notamment paysagers mais pas que, cf.
état initial de l’environnement parties « sols » et « risques naturels ») en
fonction de leur surface, et des méthodes et matériels employés, peuvent aussi
localement être mises en œuvre pour des raisons sanitaires. Des mesures sur les
cloisonnements, le choix de moyens de débardage moins mécanisés ou encore le
maintien de chablis sur sites peuvent réduire les impacts des coupes rases.
Les choix de gestion effectués récemment par l’ONF (vers plus de futaie
irrégulière) vont dans le sens d’une diminution de ce type de pratiques en
forêt publique".
L'évaluation environnementale
reconnaît volontiers l'impact négatif de pratiques attentatoires à la qualité
des sols, dont la coupe rase (p. 85) : "Les incidences potentielles de
la gestion sur les sols forestiers sont le plus souvent irréversibles,
surviennent lors des premiers passages des engins, ne sont pas toujours
visibles en surface, et dépendent de plusieurs facteurs. Parmi eux, le niveau
d’humidité est le plus important avec les caractéristiques géologiques et
biologiques des sols. Les sols plutôt limoneux seront plus sensibles aux
impacts de l’exploitation forestière qui concerneront en premier lieu leur
structure (compactage, scalpage…), mais aussi leur activité biologique, le
système racinaire, les peuplements (des essences sont plus sensibles que
d’autres comme le hêtre ou le châtaignier), etc (note 90 : Le guide pratique «
PROSOL » publié en 2009 par l’ONF et FCBA permet d’avoir un panorama complet
des effets de l’exploitation forestière sur les sols et des mesures pour les
atténuer. En ligne sur
https://www.onf.fr/produits-services/+/18b::prosol-guide-pour-une-exploitation-forestiere-respectueuse-des-sols-et-de-la-foret.html).
Il s’agit donc de mettre en oeuvre des mesures pour ne pas laisser les sols
nus, éviter l’altération de la structure des sols (orniérage, scalpage,
tassements, compactage, liquéfaction), en évitant les changements d’usages des
sols, en optant pour une approche raisonnée des apports d’amendements, en
mutualisant les équipements, ou le nombre de passages lors de l’exploitation
par exemples. La coupe rase et le dessouchage, mais aussi la collecte du
bois mort (rémanents) sur les sols les plus sensibles ont des impacts parfois
très négatifs sur la qualité des sols et leurs fonctions écosystémiques."
L'autorité environnementale (Ae)
a rendu un avis qui confirme nos positions au moins sur le plan esthétique :
"L’Ae observe que l’impact paysager des coupes rases est mentionné mais
peu développé dans l’évaluation environnementale. L’Ae recommande de renforcer
l’analyse paysagère des coupes rases et de mettre en place des mesures
d’évitement et de réduction de ces impacts." (p. 17)
4. Les impacts négatifs du PRFB et les mesures d'évitement
Le rédacteur du PRFB d'Ile de
France est visiblement piégé par des impératifs contradictoires qu'il essaye
tant bien que mal de synthétiser dans une formule bancale prise entre un
impératif productiviste, l'abandon de l'absolutisme de la futaie régulière (qui
générait les coupes rases) et la nécessité de tenir compte du public et de la
biodiversité (p. 74) : "Indépendamment
de la volonté globale du PRFB de promouvoir une gestion durable et
multifonctionnelle des forêts, l’analyse rappelle par ailleurs le fait que les
prélèvements envisagés dans le PRFB et son scénario tendanciel soient
inférieurs à ceux inscrits dans le PNFB constitue une mesure de nature à éviter
et à réduire les incidences potentielles sur les forêts franciliennes.
A titres d’exemple (et pour répondre à la demande de
l’Autorité environnementale dans son avis délibéré du 20 mars 2019 sur le
PRFB), il est possible de citer quelques mesures de nature à éviter ou à
réduire les incidences potentielles de l’exploitation forestière sur la
biodiversité et la trame verte et bleue :
· Privilégier la gestion irrégulière afin de limiter les
surfaces de coupe rase sur des superficies d'un seul tenant trop importantes ;
· Maintien/développement de mosaïques de milieux naturels
associés à la forêt (landes, clairières, mares...) ;
· Maintien/développement de bois mort, du mélange et du
sous-étage ou d’arbres sénescents ;
· Restriction dans les périodes de travaux en fonction de
la saisonnalité ou de la météo ;
· Choix d’essences adaptées aux stations ;
· Privilégier la régénération naturelle et la diversité
des essences, des peuplements mixtes feuillus-résineux de forêts
pluristratifiées et de zones protégées et fermées au public dans les forêts où
des îlots de biodiversité sont repérés ; ·
Etc'.
On rappellera que le fait de choisir
des essences adaptées aux stations[4]
et de tenir compte de la saisonnalité constitue le b-a-ba de la gestion
forestière et ne devrait pas être rappelé à des professionnels : nous sommes
ravis néanmoins de cette réitération. Il n'en demeure pas moins que le choix
de résineux sur des sols déjà appauvris ou sableux risque d'aggraver la
situation que le PRFB se défend de vouloir aggraver.
L'évaluation environnementale
confirme que la localisation des essences au regard de la station est un
élément fondamental (p. 64) : "La gestion forestière a un rôle
essentiel à jouer dans cette protection des forêts. Une attention particulière
devra être portée sur la superficie et la localisation des plantations
potentielles des résineux ou sur le choix des essences utilisées pour
diversifier ou rajeunir les massifs franciliens (vieillissants et
potentiellement vulnérables aux changements climatiques, cf. partie dédiée de
l’état initial de l’environnement). Le développement des boisements parfois
très artificiels à vocation productive est souvent synonyme d’une diminution de
la biodiversité des milieux forestiers (note 41 : Sources : Buttoud, G. (2003).
La forêt, un espace aux utilités multiples. La Documentation Française. 144p.).
De l’amont à l’aval, les choix sylvicoles ont un impact sur la biodiversité
(définition des lieux de coupes, choix du matériel et des produits utilisés
pour le débardage, méthodes du bûcheronnage, etc.)."
L'évaluation environnementale
nous apparaît comme allant dans notre sens lorsque l'on doit évaluer l'effet du
programme. Il est visible que l'absence de précisions des résultats chiffrés de
l'augmentation de la récolte comme d'analyse plus précise des secteurs nuit énormément
à la crédibilité du PRFB. Ce rapport environnemental souligne que l'on ne peut
conclure à des effets négatifs puisque l'on ne connaît même pas les effets en
général !
Ainsi : " L’analyse des incidences conclut à
l’absence d’impacts directs du PRFB tel qu’il est défini aujourd’hui, sur les
sites Natura 2000. Cependant, son niveau de précision et le fait que les sites
Natura 2000 ont été intégrés dans la délimitation des massifs prioritaires ne
permettent pas d’affirmer l’absence d’impacts négatifs indirects, au moment de
la mise en œuvre du PRFB (et notamment des objectifs de mobilisation du bois).
En effet, si l’intégration des sites remarquables (dont
Natura 2000) dans la détermination des massifs prioritaires permet de localiser
les sites concernés, et de porter à l’attention des acteurs leur nécessaire
prise en compte au moment de la gestion, elle ne s’inscrit pas dans une
logique d’évitement des impacts, mais plutôt dans une logique de réduction.
L’analyse des incidences porte à la connaissance des acteurs les sites Natura
2000 et rappelle l’enjeu de leur préservation. L’appréciation des impacts
éventuels ne peut être mesurée à ce stade de l’évaluation. Le PRFB ne
délimite pas finement la localisation des massifs prioritaires, et ne chiffre
pas précisément l’effort de chaque massif à la contribution des objectifs
régionaux de mobilisation du bois. De plus, il ne précise pas où dans les
massifs ces efforts s’appliqueraient, que ce soit en termes d’amélioration, de
modifications, de renouvellements des peuplements, de récolte supplémentaires
de tel ou tel type d’essences, ou de phasage de la récolte, etc."
(p. 135).
Néanmoins, l'évaluation
environnementale nous paraît extrêmement sommaire sur l'évaluation des effets
de cette "mobilisation" accrue : "Afin de dynamiser et de
pérenniser la filière forêt-bois, le PNFB fixe un objectif chiffré de
mobilisation supplémentaire à hauteur de +12 millions de m3 de bois mobilisé
supplémentaire à horizon 2026. Cette mobilisation supplémentaire « devra porter
principalement sur des parcelles en déficit de gestion et sa valorisation devra
se faire dans le respect de l'articulation des usages ». Conformément à
l’article L. 122-1, le Programme Régional de la Forêt et du Bois (PRFB) décline
le programme national de la forêt et du bois dans un délai de deux ans suivant
l'édiction du PNFB afin d’adapter à chaque région ses orientations et ses
objectifs, « en fonction des spécificités et des enjeux de chaque territoire ».
Outre leur concordance avec les grands objectifs du PNFB, les PRFB devront
contribuer à cet objectif national d’augmentation de la mobilisation de la
valeur ajoutée. Pour l’Île-de-France, l’objectif supplémentaire de
mobilisation est fixé à +290 000 m3." (p. 29).
On peut difficilement accepter
une conclusion aussi sommaire : "Le PRFB est un plutôt un document
sans incidences négatives directes sur l'environnement, qui affiche une
transversalité sur les questions forêt-bois de nature à impacter un large panel
de composantes environnementales liées notamment à la valorisation des services
écosystémiques des forêts et du bois." (p. 122), alors que
l'augmentation de la mobilisation des bois en a forcément !
Les mesures ERC (éviter réduire
compenser) sont évidemment minorées au regard de l'idée saugrenue d'une absence
d'impact.
5. le respect du cadre juridique : la fixation des objectifs par massifs
L'article L. 122-1 du code forestier dispose : "Dans
un délai de deux ans suivant l'édiction du programme national de la forêt et du
bois, un programme régional de la forêt et du bois adapté à chaque région les
orientations et les objectifs du programme national de la forêt et du bois. Il
fixe, par massif forestier, les priorités économiques, environnementales et
sociales et les traduit en objectifs. Il définit des critères de gestion
durable et multifonctionnelle et des indicateurs associés. Il identifie les
massifs forestiers à enjeux prioritaires pour la mobilisation du bois. Il
précise les conditions nécessaires au renouvellement des peuplements forestiers,
notamment au regard de l'équilibre sylvo-cynégétique, en intégrant, le cas
échéant, le programme d'actions mentionné au deuxième alinéa de l'article L.
113-2. Il définit un itinéraire de desserte des ressources forestières en
s'appuyant sur les référentiels géographiques et forestiers de l'Institut
national de l'information géographique et forestière. Il définit les actions à
mettre en œuvre dans la région".
A cet égard, force est de
constater que le projet de PRFB s'abstient d'appliquer la règle suivant selon
laquelle il "fixe, par massif forestier, les priorités économiques,
environnementales et sociales et les traduit en objectifs". En effet,
à part des principes très généraux, on ne peut pas clairement déduire pour
chaque massif la répartition des objectifs chiffrés de mobilisation dont le
PRFB est pourtant le support !
Une telle conclusion découle
évidemment de l'absence d'analyse par massif des capacités et des limites de
production.
A titre complémentaire, on notera
qu'une déclaration d’intention a été mise en ligne au début du mois d’avril
2018 sur les différents sites Internet des préfectures franciliennes, ainsi que
sur le site du Conseil Régional d’Île-de-France, et celui de la DRIAAF. Un
droit d’initiative au public a donc été ouvert pendant une durée de 4 mois, en
vertu de l’article L. 121-17-1 du Code de l’environnement, c’est-à-dire
jusqu’au 5 juillet 2018 à l’adresse mail dédiée
(prfb.draaf-ile-de-france@agriculture.gouv.fr). Il aurait permis d'organiser une concertation plus profonde.
L'évaluation environnementale en
tire l'opinion que le PRFB serait consensuel : il n'en est rien, c'est
simplement que ce droit d'initiative est encore un peu méconnu et surtout que
la publicité de la déclaration d'intention est très faible, faute d'être
notifiée aux associations intéressées.
Conclusions
1/ Nous soulignons
l'importance de l'abandon du régime de la futaie régulière et de ses coupes
rases, de la nécessité d'éviter l'enrésinement dans des stations en péril
hydrique ou de podzolisation ou qui rendrait difficile la réimplantation des
feuillus ;
2/ Nous constatons :
- l'insuffisance d'explications sur les objectifs annuels
de récolte tant sur le fondement de l'étude ADEME-IGN-FCBA de 2016 dont des
maxima de récoltes ainsi que sur les modalités d'adaptation à l'Ile de France
de cette étude, notamment selon les différents massifs;
- une volonté d'accroissement de l'enrésinement fondée
principalement sur des considérations de marché, sans tenir compte des stations
et des particularités des massifs;
- l'insuffisance d'évaluation de l'impact de la
mobilisation accrue des bois ainsi que l'enrésinement et notamment leurs effets
sur les sols et la biodiversité;
- une absence de fixation, par massif forestier, des
priorités économiques, environnementales et sociales et leur traduction en
objectifs, en violation de l'article L. 122-2 du code forestier;
et par ces motifs,
donnons un AVIS
DEFAVORABLE.
La FAPVS77
La SSFFVS
Annexes
Annexe 1 : analyse du plan d'aménagement de la forêt de Fontainebleau et de la forêt des Trois-Pignons 2016-2035
La Société de
Sauvegarde de la Forêt de Fontainebleau
et de la Vallée de la Seine s'inquiète du plan de gestion forestière
Fontainebleau, le 3 avril 2019.
La Société de Sauvegarde de
la Forêt de Fontainebleau et de la Vallée de la Seine (SSFFVS) a analysé le
document d'aménagement qui règle la gestion de la forêt de Fontainebleau et des
trois pignons jusqu'à 2035 (annexe).
Il ressort que, comme la
SSFVS le réclamait, l'ONF a abandonné
en principe le mode en futaie régulière, qui conduisait à des coupes rases.
Toutefois on constate que le document d'aménagement prévoit encore ces
coupes à blanc dans certaines zones, en particulier les plus anciennes de
la forêt qui sont celles qui présentent justement un intérêt biologique et
paysager particulier.
En outre, la futaie
irrégulière, pourtant souhaitable en raison de son efficacité et de son
caractère protecteur à long terme, n'est pas dans la réalité respectée, puisque l'âge d'exploitation est
raccourci comme d'ailleurs le diamètre d'exploitation (on
passe de 250 ans à 200 ans pour le chêne sessile). Cela se traduit par un
abaissement d'un indice de qualité : la surface terrière, c'est à dire que la rapidité
d'exploitation purement comptable se fait au détriment de la circonférence
des arbres, qui fait pourtant leur intérêt économique.
Par ailleurs, la SSFFVS a
découvert que l'enrésinement va se poursuivre jusqu'à atteindre la moitié
des peuplements alors qu'il présente de graves inconvénients pour la
biodiversité et la qualité des sols... On ne manquera pas de s’étonner de la
position contradictoire de l’ONF qui d’un coté s’alarme de l’enrésinement du
massif et de l’autre l’aggrave par son action.
Selon le plan d’aménagement,
on constate en grande masse le recul très sensible des feuillus qui passent
de 60, 7 % (11757 ha) à 49,3 % (8951,27 ha) au profit des résineux qui
passent de 39,4 % (7647 ha) à 50,7 % (9200,15 ha).
En détail, le pin
sylvestre devient la principale essence à 49,08 % (8913,52 ha, contre en
2018 : 34,67% soit 6 728 ha) alors qu'il faisait jeu égal avec le chêne sessile
(34,40% 6651 en 2018) qui
progresse néanmoins à 43,22% (7848,46
ha). La forêt devient une forêt de pins ce qu’elle n’a jamais été dans le
passé, car le pin est une espèce qui a été introduite de manière controversée
par Marrier de Boisdhyver sous la Monarchie de juillet, soit dans les années
1830…
Le grand perdant est le
hêtre qui passe de 11,53% (2 237 ha) à
1,01% (182,74 ha) soit une perte de
-92% (-2054,26 ha). Le chêne pédonculé est carrément supprimé des grandes masses (en 2018 : 8,24% soit
1598 ha). On suppose que cette diminution du hêtre ne concerne que les
parcelles soumises à l’exploitation et non fort heureusement les réserves
biologiques. Néanmoins on ne manquera pas de s’alarmer de cette destruction
massive du hêtre qui est, contrairement au pin sylvestre, un des arbres
typiques de la forêt de Fontainebleau. En atteste la toponymie de la forêt avec
par exemple « Les Grands Feuillards » (les grands hêtres) ou encore
« Les Petits Feuillards » (les petits hêtres).
En
conclusion, en dépit d’un exposé des motifs et des objectifs tout à fait
louables et qui vont dans le sens du respect du paysage et de la biodiversité,
le plan d’aménagement renoue hélas largement avec des habitudes productivistes
et une orientation interventionniste discutable dont l’expérience a montré les
dommages qu’elle avait déjà causé au massif de Fontainebleau.
La
SSFFVS demande à l'ONF de recourir à une vraie futaie irrégulière et d'arrêter
sa politique d'enrésinement. Si cette politique devait être poursuivie, elle
risquerait de dégrader de manière sérieuse un massif qui risquerait de perdre
ses chances d'être classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Introduction
Par
arrêté ministériel du 5 avril 2018, le plan d'aménagement de la forêt de
Fontainebleau et de la forêt des Trois-Pignons 2016-2035 a été approuvé.
Ce plan semble faire la critique
du mode de futaie régulière qui conduit à la coupe rase (Note : à la place de
coupe rase ou coupe à blanc étoc, l'aménagiste a choisi le terme technocratique
de "régénération en plein").
Cependant, il comporte des
éléments inquiétants :
- un futaie irrégulière qui ne porte
que nom avec un raccourcissement du délai et du diamètre d'exploitation des
arbres, traduisant un réduction de la surface terrière, sans l'abandon de
certaines coupes rases (I);
- une augmentation de
l'enrésinement et la quasi-disparition du hêtre (II).
I. le mode de gestion
a. Une critique officielle du traitement régulier
L'aménagiste critique officiellement le traitement
régulier au profit du traitement irrégulier :
-
il démontre que le sol de Fontainebleau est incompatible avec ce traitement
(1);
-
il considère les désavantages en terme d'esthétique, encore que de manière
incohérente (2);
-
il note encore que les plantes invasives sont favorisées par les coupes rases
(3).
1. Une pratique inadapté au
sol sec
La p. 3 du
document d'aménagement indique :
"Par rapport au document
d’aménagement précédent, le traitement irrégulier est étendu. L’application de
ce mode de traitement, qui maintient un couvert permanent de grands arbres,
tient en partie à des considérations purement sylvicoles : sur les sols secs
où la résilience de la forêt est faible, les régénérations en plein, suite à la
récolte totale des vieux arbres, posent de gros problèmes techniques, en
aggravant les conditions défavorables au développement des jeunes pousses".
La page 20, le confirme :
"Enfin,
le troisième risque tient lui aussi à la texture sableuse des horizons
superficiels de certains sols. Les études menées dans les réserves biologiques
intégrales sur l'évolution des réserves en eau du sol, au cours de l'année, ont
confirmé en plein découvert un asséchement précoce et rapide dans les couches
superficielles du sol à la fin du printemps pouvant aller jusqu'au point de
flétrissement permanent (FARDJAH, 1978)".
2. Un traitement paysager
plus que discutable
Le plan d'aménagement reconnaît que le traitement
paysager du mode régulier est très discutable (p. 73) :
"Le
traitement régulier compose certes des paysages parmi les plus recherchés et
les plus appréciés, c’est-à-dire les hautes futaies avec des sous-bois dégagés
et relativement clairs, donnant une impression de majesté. Mais, dans son
principe-même, lorsque les peuplements sont parvenus à leur apogée, ils sont
alors récoltés sur un laps de temps relativement court lors des opérations de
régénération en plein. Ces interventions sont, depuis la naissance du tourisme
en forêt il y a bientôt deux siècles, les plus décriées. En effet, elles
restent perçues comme destructrices alors même qu’elles se justifient par le
souci de perpétuer globalement l’état forestier. En cela, le traitement
régulier, par les impacts paysagers ponctuels mais localement forts qu’il donne
à voir, génèrent immanquablement des récriminations et des frustrations. Le
traitement irrégulier propose des paysages peut-être moins remarquables, mais
maintient ceux-ci à l’échelle de perception (temporelle et spatiale) d’un
visiteur et assure une relative stabilité pour l’usager et le riverain".
Le document d'aménagement comporte portant
certains contresens e faisant croire que la coupe rase est justifiée par les futaies
de chênes : "Dans le dernier cas, c’est donc la volonté de
vouloir pérenniser des futaies des chênes et de donner à voir aux générations
futures des futaies telles que celles que l’on peut contempler aujourd’hui qui
justifient le recours à des régénérations en plein, pourtant si sujettes à
récriminations.
Les
conflits durs et périodiques à Fontainebleau démontrent que la seule intention
louable de perpétuer des futaies de chêne ne saurait nécessairement justifier
aux yeux des usagers des coupes de régénération importante. Ces opérations contestées
s’accompagneront donc de diverses mesures destinées à amortir leur impact
paysager et écologique. Ces mesures seront détaillées dans la suite du
document. Mais on peut toutefois insister à ce stade sur la première d’entre
elles, à savoir que les parcelles, d’une surface unitaire moyenne d’une
vingtaine d’hectares et généralement homogènes, seront fractionnées pour
limiter la surface unitaire des unités à régénérer.
Nous
sommes donc sur le principe d’un traitement régulier, mais avec un émiettement
et un fractionnement des parcelles à régénérer (sans que l’on parle de futaie
par parquets, car les unités à régénérer sont déjà cartographiées et d’une
surface unitaire suffisante pour constituer une unité de gestion à part
entière), qui vise à réduire la surface unitaire des unités de gestion"
3. Un mode favorisant les
espèces invasives
Le
traitement irrégulier est reconnu comme meilleur protecteur que les coupes
rases :
"Localement,
le traitement irrégulier est retenu en raison de la présence significative
d’espèces invasives, notamment la plus problématique de toutes, à savoir le
Cerisier Tardif Prunus serotina. En première approche, il semble en effet
moins difficile de contenir cette espèce en optant pour le traitement
irrégulier : gestion plus opportuniste, travaux périodiques. A l’inverse,
l’expérience montre que le Cerisier tardif est un redoutable concurrent dans
les régénérations en plein. Plus généralement, il est considéré que moins le
milieu est perturbé, et moins les plantes invasives s’expriment. Notons
toutefois le caractère sciaphile du Cerisier tardif, qui lui permet de s’implanter même sous un couvert
forestier ; le plein découvert n’est pas une condition nécessaire à son
développement".
b. Des nouveaux choix qui restent très contestables
Ces
choix qui semblent aller dans le bon sens cachent malheureusement des décisions
plus discutables :
-
une durée et des diamètre d'exploitation plus faible (1, 2)
-
la poursuite des coupes rases sur les parties les plus anciennes au lieu de
passer à une conversion (3).
1. La faiblesse de l'âge et
du diamètre d'exploitation
D'autres
éléments démontrent que la futaie irrégulière n'est pas respectée dans son
principe, puisque l'âge d'exploitation est raccourci comme d'ailleurs le
diamètre d'exploitation :
EXPLOITATION
|
AGE
|
DIAMETRE
|
||
aménagement
2009-2015
(p. 47)
|
aménagement
2018-2035
|
Variation
|
||
ans
|
ans
|
ans
|
cm
|
|
Chêne
sessile
|
250
|
200
|
-50
|
70
|
Chêne
pédonculé
|
160
|
160
|
60
|
|
Chêne
pubescent
|
250
|
150
|
-100
|
45
|
Hêtre
|
120
|
100
|
-20
|
45
|
Frêne
|
60
|
60
|
60
|
|
Pin
sylvestre
|
120
|
100
|
-20
|
50
|
Pin laricio
|
80
|
80
|
55
|
|
Douglas
|
80
|
80
|
65
|
|
Epicéa
|
60
|
60
|
50
|
|
Pin
maritime
|
60
|
60
|
50
|
2.Une surface terrière très
faible
a) Définition
La surface terrière (notée « G ») est une
grandeur qui quantifie la concurrence entre les arbres d'un peuplement
forestier. Elle est principalement utilisée en sylviculture et en écologie
forestière.
Cet
indice correspond, pour un arbre donné, en France, à la surface de la section
d'un arbre mesurée à 1,30 mètre du sol (environ 4,5 pieds de hauteur dans le
système anglo-saxon, et autrefois « à hauteur d'épaule »).
La
surface terrière totale ou moyenne d'une aire donnée (arbres dispersés, alignés
ou peuplement forestier, agrosylviculture, bocage, verger, parc urbain, etc.)
peut être calculée par la somme des surfaces terrières de tous les arbres de
cette aire ; elle s'exprime habituellement en m²/ha. Le nombre calculé pour un
ha permet une extrapolation approximative pour une surface homogène plus
grande.
b) Surface
terrière proposée
P.
97 de l'aménagement, on trouve l'indicateur de surface terrière en ce qui
concerne la Futaie irrégulière et
futaie jardinée : forêts ou parties de forêts à suivi non surfacique du
renouvellement :
Cet
indicateur trahit une grave difficulté car en réalité une futaie irrégulière a
une surface terrière qui doit se situer entre 35 et 45 m2/ha (selon les espèces
ligneuses présentes).
On
peut donc estimer qu'un renouvellement à une moyenne de 14m²/ha constituerait
un renouvellement inférieur de moitié à ce qui doit être normalement attendu.
3. La continuité des coupes rases
Nous notons que les coupes rases vont continuer jusqu'à épuisement des
anciennes sections en futaie régulière, selon un extrait du contrat 2018-2022
forêt d'exception approuvé par le conseil municipal de Fontainebleau du 17
décembre 2018 :
"L'aménagement
forestier de Fontainebleau et Trois-Pignons a été approuvé le 5 avril 2018
après une large concertation menée dans le cadre du projet Fontainebleau Forêt d'Exception®.
Il
expose en particulier les orientations suivantes
-
Plus de futaie irrégulière. Par rapport au document d'aménagement précédent, le
traitement irrégulier est étendu. L'application de ce mode de traitement, qui
maintient un couvert permanent de grands arbres, tient en partie à des
considérations purement sylvicoles : sur les sols secs où la résilience de la
forêt est faible, les régénérations en plein, suite à la récolte totale des
vieux arbres, posent de gros problèmes techniques, en aggravant les conditions
défavorables au développement des jeunes pousses. Cette option est également
motivée en cas de fortes sensibilités paysagères en contexte péri-urbain ou
pour des raisons écologiques, lorsque le maintien d'un peuplement présentant
des arbres adultes est nécessaire. Le traitement régulier, supposant la
gestion d'un collectif d'arbres et une récolte quasi-simultanée de ceux-ci en
fin de cycle, n'est toutefois pas complètement écarté. Celui-ci s'impose
localement lorsque les arbres présents sont de toute façon du même âge et
parviendront à maturité dans le même laps de temps. Ceci concerne notamment les
anciennes plantations, qu'il s'agisse de chênes plantés au début XlXème siècle
ou de pins plantés plus récemment. Cette option technique est donc en grande
partie commandée par les méthodes passées, lorsque la forêt de Fontainebleau
fit l'objet d'investissements considérables. Les régénérations en plein
ciblent donc quasi exclusivement les peuplements à très haute valeur
patrimoniale et économique, que sont les futaies de chêne âgées. li s'agit
par ailleurs de peuplements que la dynamique spontanée feraient
irrémédiablement disparaître, puisqu'après la maturité sylvicole et la
sénescence, ils évoluent naturellement vers la pinède ou la hêtraie. Si les
régénérations en plein, qualifiées de « coupes rases » par le public, vont
devoir perdurer, leur mise en oeuvre s'accompagne d'un cortège de
mesures visant à amortir leur impact paysager et écologique. Au premier rang de
ces mesures, on trouve le principe d'un émiettement, d'un fractionnement, qui
vise à diminuer la surface unitaire des zones à régénérer. La régénération des
vieilles plantations s'étale donc dans le temps, et est éclatée en plusieurs
points à un instant précis".
Synthèse des surfaces selon les modes de gestion
On
peut prendre le tableau suivant du document d'aménagement :
et
en tirer l'analyse suivante :
Etat 2018
|
Objectif 2035
|
Variation 2018-2035
|
||||
%
|
ha
|
%
|
ha
|
%
|
ha
|
Mode de gestion
|
9%
|
1 402,82
|
68%
|
12262,49
|
59%
|
10859,67
|
futaie
irrégulière
|
83%
|
13 644
|
32%
|
5888,93
|
-51%
|
-7755,07
|
futaie
régulière
|
0%
|
9,88
|
non
défini
|
||||
6%
|
977,31
|
futaie
par parquet
|
||||
2%
|
371,72
|
Taillis
|
||||
100%
|
16 395,85
|
100%
|
18161,3
|
11%
|
1765,45
|
II. Les choix en matière de
peuplements : une augmentation de l'enrésinement
Nous
analysons le tableau de synthèse composée à partir des informations de l'arrêté
d'aménagement :
FORET
DE FONTAINEBLEAU ET DES TROIS PIGNONS
|
|||||||
Peuplements
|
Etat 2018 (p. 28)
|
Objectif 2035 (p. 90)
|
Variation 2018-2035
|
||||
%
|
ha
|
%
|
ha
|
%
|
ha
|
||
chêne
sessile
|
34,40%
|
6651
|
43,22%
|
7848,46
|
18%
|
1197,46
|
|
chêne
pédonculé
|
8,24%
|
1 598
|
|||||
hêtre
|
11,53%
|
2 237
|
1,01%
|
182,74
|
-92%
|
-2054,26
|
|
autres
feuillus
|
2,19%
|
425
|
|||||
chêne
pubescent
|
1,50%
|
291
|
4,00%
|
726,81
|
150%
|
435,81
|
|
châtaigner
|
1,71%
|
331
|
|||||
bouleau
|
1,15%
|
224
|
0,45%
|
80,9
|
-64%
|
-143,1
|
|
feuillus
hygrophiles (aulnes, frènes)
|
0,62%
|
112,36
|
|||||
Sous-total feuillus
|
60,71%
|
11 757,00
|
49,29%
|
8 951,27
|
-24%
|
-2805,73
|
|
pin
sylvestre
|
34,67%
|
6 728
|
49,08%
|
8913,52
|
32%
|
2185,52
|
|
pin
maritime
|
2,78%
|
539
|
|||||
pin
laricio
|
1,57%
|
304
|
1,58%
|
286,63
|
-6%
|
-17,37
|
|
autres
résineux
|
0,39%
|
76
|
|||||
Sous-total résineux
|
39,41%
|
7 647,00
|
50,66%
|
9 200,15
|
20%
|
1553,15
|
|
autres
essences
|
0,05%
|
9,88
|
|||||
Sous-total autres
|
0,05%
|
9,88
|
|||||
Total
forestier
|
100%
|
19 404,00
|
18 161,30
|
||||
On
constate en grande masse le recul très sensible des feuillus qui passent de 60,
71 % (11757 ha) à 49,29 % (8951,27 ha) soit une baise de 20 % au profit des
résineux qui passent de 39,41 % (7647 ha) à 50,66 % (9200,15 ha) soit une
augmentation de 24 %.
En
détail, le pin sylvestre devient la principale essence à 49,08 % (8913,52 ha,
contre en 2018 : 34,67% soit 6 728 ha) alors qu'il faisait jeu égal avec le
chêne sessile (34,40% 6651 en
2018) qui progresse néanmoins à 43,22% (7848,46
ha).
Le
grand perdant est le hêtre qui passe de 11,53%
(2 237 ha) à 1,01% (182,74 ha) soit une perte de -92% (-2054,26 ha). Le
chêne pédonculé est carrément supprimé
des grandes masses (en 2018 : 8,24% soit 1598 ha).
Tout
cela traduit un appauvrissement des espèces et la poursuite d'un enrésinement.
En
ce qui concerne le pin, le plan d'aménagement dénonçait pourtant le risque
de podzolisation, c'est à dire la dégradation est un type de sol lessivé
qui se forme sous les climats froids et humides sur substrat au pH très acide
et qui est très peu fertile pour l'agriculture :
"Le
traitement irrégulier est étendu à la majeure partie de ces forêts. Et ce pour
les raisons suivantes : [...] Toujours en ce qui concerne les sols
les plus pauvres, nous avons signalé le risque fort d’une podzolisation
accélérée en présence de peuplements résineux purs. De tels
peuplements sont par ailleurs taxés d’une valeur écologique et paysagère
moindre. Aussi, on s’attachera à maintenir autant que possible le caractère mixte
des peuplements mélangés feuillus-résineux. On ce mélange intime semble devoir
être davantage garanti avec un traitement en futaie irrégulière. Outre le fait
que les chênes et pins n’ont pas le même terme d’exploitabilité, l’expérience
montre que les régénérations en plein font la part belle au Pin sylvestre,
mieux adapté à ces situations de plein découvert sur des sols maigres. Et la
part des feuillus s’érode alors inexorablement".
Même si les
vertus de la futaie irrégulière sont reconnues, on ne comprend pas alors la
progression du pin !
Annexe 2 : le parisien du 6 août 2019 : "Seine-et-Marne. Pins et hêtres dépérissent dans le massif de Fontainebleau"
Les sécheresses successives ont provoqué un déficit d'eau en
forêt de Fontainebleau. À plus ou moins long terme, le réchauffement climatique
va redessiner les futaies.
Publié le 6 Août 19 à 20:08
Certains sites pourraient être temporairement fermés (©Drone
ONF//Agence Ile-de-France Est)
Des résineux rougis, des feuilles de hêtres jaunies en été…
Pas besoin d’être un expert en sylviculture pour constater que les peuplements
forestiers sont mis à rude épreuve, ces dernières années. Dans les
massifs de Fontainebleau, il suffit de balader son regard pour
percevoir les effets directs du réchauffement climatique. Des hivers moins
rigoureux et des précipitations moins bien réparties.
Espèces en voie de disparition
Résultat : la sécheresse décime certains
arbres. C’est le cas notamment des pins qui dépérissent, comme les
sapins de Noël dont il faut ramasser les épines à la fin des fêtes.
« L’année 2018, marquée par une sécheresse
exceptionnelle de juin à octobre a été la plus chaude jamais enregistrée par Météo
France depuis 1900 », rappelle Pierre-Edouard Guillain, le directeur de l’agence
territoriale de l’ONF Île-de-France Est.
Constituée à 42 % de chênes, 40 % de pins
et 11 % de hêtres, la futaie de Fontainebleau est en train de perdre une
partie de ses arbres. « Les pins supportant mal le manque d’eau
s’assèchent, rougissent et perdent petit à petit leurs aiguilles ». Plus
vulnérables aux attaques de parasites (larves d’insectes et champignons
notamment), nombreux meurent, et rapidement, en six mois chrono.
Hêtres ou ne pas hêtres
Mais le phénomène affecte aussi l’ensemble du massif, et
particulièrement les arbres situés dans certaines zones en particulier les
chaos rocheux. « On ne va pas capitaliser sur le hêtre non plus, poursuit
le directeur. On sait que son écologie ne lui est pas très favorable dans un
contexte de changement climatique et certains sont déjà condamnés. » C’est
pourquoi, l’Office nationale des forêts lance une prospection sur le terrain en
vue d’effectuer un état des lieux précis. Analyse d’images satellites, survols
de drones : il s’agit de surveiller les sites touchés afin de sécuriser
les secteurs recevant du public le long des sentiers balisés, en bord de route
et dans les aires d’accueil.
« Les arbres morts présentant un danger pour le
public seront progressivement retirés. Toutefois, certains sites nécessitant
des travaux trop importants pourront faire l’objet d’une fermeture temporaire »,
précise Pierre-Edourad Guillain.
Alors, demain, à quoi la forêt ressemblera-t-elle ? L’ONF
ne se veut pas alarmiste. Qu’on se rassure, sur les 22 hectares que forme l’ensemble
Fontainebleau, Trois Pignons, Commanderie, tous les pins ne sont pas morts.
La forêt d’hier et de demain
« En 20 ans, la forêt ne va pas se transformer
soudainement, rassure le directeur. Mais il faut réfléchir sur son devenir, sur
nos choix d’essences. Notre métier, c’est de faire prendre conscience des
changements climatiques et d’anticiper. »
En clair, faut-il continuer à planter ce qui est
actuellement produit à Fontainebleau ou se tourner vers d’autres espèces ?
Que faut-il préparer pour dans un siècle ? En tout cas, pour l’ONF, il ne
faut pas avoir une représentation immuable de la futaie, en perpétuelle évolution.
« La forêt que nous connaissons aujourd’hui, constituée de chênes et de
pins n’est pas la forêt d’hier et ne sera pas la forêt de demain. » Et de
rappeler : « Ce n’est qu’à partir de Napoléon III que les hommes ont
planté 4000 hectares de pins, avant, on faisait paître des animaux. »
Alors, forestiers et scientifiques travaillent ensemble à
chercher des solutions face à un phénomène susceptible de se répéter à l’avenir.
Des tests sont menés par les chercheurs de l’ONF et de l’INRA (Institut
national de la recherche agronomique). Ils visent à détecter les espèces d’arbres
susceptibles d’opposer une plus forte résistance et une meilleure résilience à
ces phénomènes météorologiques intenses. En attendant, pas question de perdre
les bois morts qu’il conviendra de valoriser au mieux : bois énergie,
panneaux de particules, palettes… « On va essayer de ne pas perdre ce que
la nature nous a donné pendant plusieurs années. »
Un écosystème qui évolue
Mais c’est tout un écosystème que le manque d’eau affecte,
pas seulement les arbres. « La bruyère, l’année dernière n’était pas en
forme pendant l’automne », se souvient Pierre-Edouard Guillain. La forêt
perdait, en effet, une partie de ses couleurs.
L’ONF suit également particulièrement la faune avicole et le
gibier, devenu plus chétif par manque de nourriture. « Les sangliers et
les cerfs ont changé leur localisation, à la recherche de points d’eau et se
sont rabattus sur le Loing, quand les mares se sont retrouvées à sec, du côté
de Montigny, de Moret et de Larchant. » Si l’office nationale des forêts n’a
néanmoins pas constaté un taux de mortalité en augmentation, les agents sont
attentifs aux conséquences de la sécheresse sur les oiseaux. « Les
conditions climatiques peuvent avoir des effets sur la disponibilité des
insectes qu’ils mangent. C’est tout un éco-système qui va évoluer. La question
est de savoir si cet écosystème est résilient ou si c’est une source de
basculement vers un changement avec des espèces différentes. » Et de
conclure, positif : « J’ai une confiance personnelle dans la capacité
du vivant. La nature est parfois impressionnante. »
Vanessa RELOUZAT
Annexe 3 : La république de Seine et Marne du 11 août 2019 : "Seine-et-Marne : les pins de la forêt de Fontainebleau meurent de la sécheresse"
Les épisodes de fortes chaleurs et le manque de pluie
causent la mort rapide et préoccupante de conifères dans le massif.
Fontainebleau, le 7 août. Les
pins asséchés roussissent et meurent à un rythme préoccupant. Drone ONF/Agence Ile-de-France
Margot
Zaparucha
Le 11
août 2019 à 09h53, modifié le 11 août 2019 à 19h19
En se baladant
en forêt de Fontainebleau , on peut désormais observer des pins
aux épines rousses. Détonants en plein mois d'août, ces arbres sont en fait
morts.
L'Office national des
forêts (ONF) vient de lancer un état des lieux afin de mesurer l'ampleur de ce
phénomène en pleine évolution.
Canicule et manque de
précipitations
Le pin, contrairement
aux arbres feuillus, est vert toute l'année. S'ils roussissent par poches
entières dans la forêt de Fontainebleau, c'est que les conifères n'ont plus
d'eau.
« Avec un automne
très sec, et deux épisodes caniculaires dans l'été, on est dans une succession
problématique », explique Pierre-Edouard Guillain, directeur de l'agence de
Fontainebleau de l'ONF.
Les pins, qui
composent 40 % de la forêt de Fontainebleau, sont visiblement marqués par le
dérèglement climatique. En plus, les sols pauvres et sableux de certaines zones
de la forêt retiennent difficilement l'eau. C'est le cas près de la commune
d'Arbonne-la-Forêt, où les pins meurent par poches entières.
« Ces arbres avaient
survécu à la canicule de 2003 ! »
François Faucon,
forestier responsable de ce secteur à l'ONF, est inquiet. « J'ai remarqué un
effet de masse début juin », précise-t-il. Équipé d'un drone, il tente de
circonscrire les zones touchées par ces morts presque subites des pins de la
forêt.
Un premier travail de
repérage par images satellites a été réalisé. Sur le terrain, les agents de
l'ONF estiment la quantité de pins desséchés à 100 ou 200 hectares.
Forêt de Fontainebleau, le 7
août. Francis Faucon, forestier, évalue l’état des pins d’un secteur de la
forêt grâce à un drone. LP/Margot Zaparucha
Si la forêt de Fontainebleau compte au total 22 000
hectares, le phénomène reste préoccupant : « Nous n'avions jamais vu ça
auparavant, assure le forestier. Pourtant, ces arbres avaient survécu à la
canicule de 2003 ! »
En désignant une branche aux épines roussies, François
Faucon atteste de l'urgence du problème : « Là, l'arbre est déjà touché, on n'y
peut plus rien. Dans trois semaines, il sera complètement mort. »
Des risques accrus pour le public
Le diagnostic exact devrait être connu à la mi-septembre.
D'ici là, la priorité est la sécurité du public, dans des zones très fréquentées.
Le secteur de François Faucon est proche du site d'escalade d'Isatis, très
prisé des grimpeurs.
« Début juin, on a déjà abattu les arbres morts qui longent
la route de l'ermitage, mais d'autres ont roussi depuis », constate le
forestier. Une fois mort, l'arbre risque de perdre ses branches ou de tomber
tout entier.
Forêt de Fontainebleau, le 7
août. Quand les pins s’assèchent, ils deviennent fragiles et sensibles aux
insectes. Ici, ils ont perdu leur écorce. LP/Margot Zaparucha
L'autre problème de la sécheresse du bois, c'est qu'elle
accroît le risque d'incendie .
« Un départ de feu ici serait extrêmement violent », craint Francis Faucon qui
retrouve régulièrement des restes de feux de bivouac, pourtant interdits.
Les zones touchées ne seront pas replantées
Après l'atterrissage du drone, le constat est flagrant. «
Dans la zone survolée, on compte déjà bien trente hectares touchés », souligne
le sylviculteur.
Pour autant, l'ONF ne viendra pas replanter dans ces zones.
En forêt, on compte sur la régénération naturelle des arbres, et on laisse la
nature faire son travail.
La forêt de Fontainebleau, classée Natura 2 000, ne peut
accueillir que des espèces autochtones, principalement des chênes, des pins et
des hêtres.
Le temps de la nature est plus long que celui des hommes :
pour que des pins arrivent à maturité et viennent remplacer ceux abattus cet
été, il faudra attendre quarante ans.
[1] NDA : EAB : l'enquête annuelle de
branche « Exploitations forestière » vise à connaître la récolte de bois des
exploitants forestiers professionnels.
[3]
Nous en citons les
conclusions : "Les sables soufflés, enrichis en particules fines
ferromagnésiennes par rapport aux sables stampiens sont pédogénisés de manière
très variable selon leur épaisseur : les sols minces sont liés au calcaire
sous-jaeent, les sols d'épaisseur moyenne présentent un profil lessivé, dont la
fragilité se traduit par une fréquente acidification de surface. Celle-ci
oriente alors les sols épais vers la podzolisation qui reste d'un type
"meuble" lorsque la végétation est feuillue, mais qui s'accentue vers
une induration si la Callune (ct le Pin), espèces à C/N élevé, interviennent.
La nature de l'horizon Bh est alors à comparer à l'extrême aliotique sur sables
stampiens sur lesquels seule cette végétation, peu exigeante, peut désormais
pousser.
Le
sol étant le capital de la forêt, la conscience de notre influence directe sur
l'évolution du sol peut sans doute nous aider à choisir les espèces à implanter."
[4] Une station est "une étendue
de terrain de superficie variable (quelques mètres carrés à plusieurs dizaines
d'hectares), homogène dans ses conditions physiques et biologiques :
mésoclimat, topographie, géomorphologie, sol, composition floristique et
structure de la végétation spontanée" (voir IFN/IGN Les outils d’aide
à la reconnaissance des stations forestières et au choix des essences, novembre
2006).