Avis sur le Programme régional de la forêt et du bois (PRFB) 2019-2029 d’Île-de-France




Fédération des Associations de Protection de  la Vallée de la Seine du Sud Seine et Marnais
Union d'association agréée et habilitée
au titre du code de l'environnement
Déclaration du 25 février 1977 (J.O. 17/03/1977)
RNA n° W774000506 n° SIREN : 519666499

Maison dans la Vallée - 1, rue Lola Dommange  77210 Avon


Société de Sauvegarde de la Forêt de Fontainebleau et de la Vallée de la Seine
Association loi 1901

JORF du 15 février 2014 p. 749
RNA n W774005423 n° SIREN : 800430183

 24 bd Thiers
77300 Fontainebleau   










Avis de la FAPVS77 et de la SSFFVS
sur le Programme régional de la forêt et du bois (PRFB)
2019-2029 d’Île-de-France





23 août 2016

 

 



Sommaire


Sommaire

Introduction

1.      Une volonté affichée d'augmenter les coupes, en fonction d'objectifs aux sources discutables

a) une augmentation de la récolte entre 17 % et 37 %

b) Une ressource disponible selon l'étude ADEME/IGN/FCPA de 2016 ne précisant pas les sources

c) Une absence de calcul par massif

2.      Une volonte insidieuse d'augmenter l'enrésinement au détriment des feuillus

a) une politique d'enrésinement en lien avec le marché du bois

b) les inconvénients de l'enrésinement

c) L'absence de prise en compte de la situation des massifs : le cas de Fontainebleau

3.      La reconnaissance de principe de l'abandon de la coupe rase

4.      Les impacts négatifs du PRFB et les mesures d'évitement

5.      le respect du cadre juridique : la fixation des objectifs par massifs

Conclusions

Annexes

Annexe 1 : analyse du plan d'aménagement de la forêt de Fontainebleau et de la forêt des Trois-Pignons 2016-2035

Annexe 2 : le parisien du 6 août 2019  : "Seine-et-Marne. Pins et hêtres dépérissent dans le massif de Fontainebleau"

Annexe 3 : La république de Seine et Marne du 11 août 2019  : "Seine-et-Marne : les pins de la forêt de Fontainebleau meurent de la sécheresse"

 



Introduction


En application de l’article L.123-19 du code de l’environnement, une participation du public par voie électronique est organisée afin de recueillir ses observations et propositions sur le projet de Programme régional de la forêt et du bois (PRFB) 2019-2029 d’Île-de-France.
Le programme régional de la forêt et du bois 2019-2029 d’Île-de-France, établi conformément aux dispositions prévues par le code forestier (notamment les articles L.122-1 et D. 121-1 et suivants), :
- adapte à la région francilienne les orientations et les objectifs du programme national de la forêt et du bois (PNFB), approuvé par le décret n° 2017-155 du 8 février 2017 ;
- est élaboré par la commission régionale de la forêt et du bois (CRFB), présidée conjointement par le préfet de région et la présidente du conseil régional. Cette commission comprend notamment les services régionaux et établissements publics de l’État, des représentants des collectivités territoriales, de la filière forêt-bois et des associations de protection de l’environnement et d’usagers de la forêt ;
- a fait l’objet d’une évaluation environnementale, conformément aux articles L122-4 et suivants du code de l’environnement. Le projet de PRFB et son évaluation environnementale ont également été soumis à l’avis de l’Autorité environnementale ;
- est soumis à la participation du public ;
- sera arrêté par le ministre chargé des forêts.


La Fédération des Associations de Protection de  la Vallée de la Seine du Sud Seine et Marnais et la Société de Sauvegarde de la Forêt de Fontainebleau et de la Vallée de la Seine ont analysé ledit document en fonction de plusieurs inquiétudes ou points à souligner :
- l'accroissement des objectifs d'abattages, avec des sources capacitaires et la prise en compte des questions environnementales et paysagères discutables (1);
- la promotion de l'augmentation de l'enrésinement et ses inconvénients (2);
- la fin présumée de la coupe rase, que nous jugeons favorable en principe, mais mis en œuvre de manière contestable (3);
- l'évaluation de l'impact environnemental, qui paraît bien insuffisante (4)
- des considérations sur le cadre juridique et notamment l'absence de fixation d'objectifs massif par massif (5).
Ces ONG tiennent à mettre l'analyse de ce programme en lien avec l'analyse du plan d'aménagement de la forêt de Fontainebleau et de la forêt des Trois-Pignons 2016-2035 (annexe) qui semble déjà appliquer des principes identiques à ceux qui ont présidés ce PRFB, avec des effets particulièrement négatifs soulignés par l'aménagiste.

1.         Une volonté affichée d'augmenter les coupes, en fonction d'objectifs aux sources discutables

a) une augmentation de la récolte entre 17 % et 37 %


Le programme national de la forêt et du bois (PNFB) comme le programme régional de la forêt et du bois (PRFB) s'inscrivent dans une logique du toujours plus productiviste, que le législateur a encouragée par la loi sur la transition énergétique adoptée le 22 juillet 2015 qui prévoit de renforcer la part des énergies renouvelables pour atteindre 32 % de la consommation d'énergie en 2030, contre 13,7 % en 2012. La biomasse devrait représenter 40 % de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique en 2020, ce qui implique de "mobiliser" les ressources forestières, dans des proportions qui peuvent être critiquées.

Le PRFB indique p. 38 : "Conformément aux objectifs du PNFB, et ce en intégrant les enjeux économiques, environnementaux et sociaux spécifiques à l’Île-de-France, les objectifs régionaux de mobilisation supplémentaire de bois ont été déterminés selon les usages :


Il en ressort plus clairement les objectifs suivants :
en milliers
de m3/an
Récolte actuelle (2016)
Scénario tendanciel
Scénario dynamique
Bois d’œuvre potentiel (BO-P)
130
146
171
Bois industrie bois
énergie potentiel (BIBE-P)
612
725
844
 Total
742
871
1015

La citation des enjeux environnementaux paraît être d'une certaine hypocrisie.

b) Une ressource disponible selon l'étude ADEME/IGN/FCPA de 2016 ne précisant pas les sources


Ce qui est plus intéressant est d'analyser le plan en amont et aval.
En amont sur l'origine des chiffres autorisant une telle "mobilisation", c'est à dire le potentiel de production étant entendu que l'exploitation doit rester raisonnable.
En aval, sur la répartition de cette augmentation drastique : le PRFB ne le fait quasiment pas et donne des lignes directrices très molles.

Cependant, il est évident que les hypothèses du PRFB sont fondées sur des statistiques globalisées mais provenant d'hypothèses localisées en fonction des situations et capacités de chaque massif concerné.

Pour déterminer leur origine, il faut se rapporter à l'annexe du PRFB qui indique : "La ressource disponible à horizon 2029 dépend de critères technico-économiques qui ont été définis dans l’étude ADEME/IGN/FCBA de 2016. Cela correspond à la disponibilité technico-économique future. Cette dernière équivaut à la quantité de bois rond qui pourrait être récoltée à l’horizon 2029. Elle correspond au maximum théorique de récolte au regard des aspects techniques et économiques liés à l’exploitation du bois, et est établie d’après l’étude" (p. 137).

Ce renvoi à l'annexe d'un élément pourtant fondamental pour la détermination des objectifs est déjà passablement inquiétant.

Il l'est encore plus lorsque l'on sait que cette "étude ADEME/IGN/FCBA de 2016" n'a pas été jointe au projet de PRFB, ce qui ne permet ni d'en disposer, ni d'en vérifier la pertinence : alors qu'elle est censée fonder le PRFB, alors que l'on ne dispose pas des scenarii fondant l'ouvrage ni les données de base.

Néanmoins, on peut se procurer ce rapport ici : https://www.ademe.fr/disponibilites-forestieres-lenergie-materiaux-a-lhorizon-2035. On en jugera le caractère sommaire sur l'origine des données.

Le rapport traduit les disponibilités en bois par régions administratives en 2031-2035 selon deux scenarii :
- "sylviculture constante"," calculé à partir des coupes observées actuellement, simule le maintien des pratiques actuelles de gestion pendant les 20 prochaines années";
- "gestion dynamique progressif' (sic) qui "consiste à augmenter progressivement les taux de coupe du scénario de sylviculture constante jusqu’à un niveau variable selon les catégories de propriétés et les zonages de gestion et dans le respect des principes de la gestion durable".
        
Nous avons établi un tableau extrayant les données de ce rapport donnant les hypothèses pour l'lle de France, que l'on pourra comparer aux hypothèses du PRFB :

disponibilités technico-économiques
(selon l'usage actuel)
Disponibilités supplémentaires (c’est-à-dire la quantité de bois disponible en plus des usages actuels)
période 2031-2035
en milliers de m 3/an
bois d’œuvre potentiel (BO-P)
bois industrie bois
énergie potentiel (BIBE-P)
bois d’œuvre potentiel (BO-P)
bois industrie bois
énergie potentiel (BIBE-P)
tous feuillus
résineux
toutes essences
tous feuillus
résineux
toutes essences
tous feuillus
résineux
toutes essences
tous feuillus
résineux
toutes essences
sylviculture constante
397
42
439
582
30
611
101
11
112
143
7
150
gestion dynamique progressif
561
53
615
720
56
776
266
22
287
281
33
315

On ne dispose pas des sources des chiffres de l'étude pour l'IDF de l'étude ADEME/IGN/FCBA : il est donc impossible d'en juger la pertinence ni d'avoir une ventilation par massifs.

c) Une absence de calcul par massif


Cette omission de ce document fondamental qui fait corps finalement avec le PRFB est encore plus inquiétante lorsque l'on constate que le mode de calcul permettant la transformation des résultats de cette étude, qui fixe des maxima, en objectifs tenant compte d'autres impératifs que productivistes n'est pas fourni (malgré l'annexe du PRFB qui ne donne pas de détail massif par massif composant pourtant l'ensemble du calcul) !

L'annexe du PRFB souligne d'ailleurs une incohérence des sources statistiques (p. 136), ce qui peut légitimement faire douter de la fiabilité : "L’EAB[1] indique une récolte en 2016 de 102 533 m3 de feuillus et 10 797 m3 de résineux, soit un total de 113 350 m3 de bois d’oeuvre.
Le prélèvement IGN déduit de l’étude ADEME/IGN/FCBA donne une récolte pour 2016 de BO de 327 000 m3 (en incluant le peuplier), dont 296 000 m3 de feuillus et 31 000 m3 de résineux.
Ces deux sources sont en inadéquation."


2.         Une volonte insidieuse d'augmenter l'enrésinement au détriment des feuillus

a) une politique d'enrésinement en lien avec le marché du bois


Le projet de PRFB souligne que le marché souhaite plus de résineux alors que l'offre de la forêt francilienne correspond plutôt à des feuillus.

On citera ainsi :
- p. 26 : "Le bois d’œuvre (BO) a, de son côté, connu une diminution de 33 % ces dix dernières années (-3 % moyenne annuelle) en lien avec la quasi absence d’activités de sciage et de première transformation dans la région et la déconnexion entre l’offre (feuillus) et la demande (résineux)" ;
- p. 39 : "Le contexte actuel de la forêt francilienne avec 94 % d’essences feuillues n’est pas adapté à la demande actuelle en résineux du marché notamment pour la construction bois. Aussi, il a été décidé en groupe de travail d’une part, de privilégier une stratégie d’adaptation de la demande à l’offre, d’autre part, de ne pas fixer d’objectif de surface supplémentaire de résineux en Île-de-France (sauf station exclusive, biodiversité et diversité des peuplements)".

b) les inconvénients de l'enrésinement


Certes, le PRFB ne fixe pas d'objectif mais insiste lourdement sur la nécessité d'augmenter l'enrésinement, tout en reconnaissant en demi teinte les graves inconvénients pour les sols et la biodiversité de cette augmentation. Cela se ressent clairement à la lecture d'un tel paragraphe très lourd de contradictions internes (p. 41) : "D’autre part, souhaitant mettre l’accent sur la valorisation et le maintien de la fertilité et viabilité des sols, de la biodiversité, de l’adaptation et de l‘atténuation du changement climatique et de l’accueil du public, le PRFB ne fixe pas d’objectifs chiffré d’enrésinement des forêts franciliennes. Néanmoins, ces derniers étant conformes à la demande du marché (notamment pour la construction), il peut être bénéfique pour ce dernier, ainsi que pour la diversité des peuplements, d’introduire des résineux. Cela doit s’effectuer dans des conditions respectueuses de l’environnement, de la biodiversité et des caractéristiques locales des sols, ainsi que de la station forestière (adéquation essence/station)".



Les inconvénients des résineux sont pourtant parfaitement connus de la littérature scientifique. Nous citerons entre autre l'étude de L. Augusto – J. Ranger – M. Bonneau, influence des essences sur la fertilité chimique des sols. Conséquences sur les choix sylvicoles, Rev. For. Fr. LII - 6-2000, p. 507[2]:
- Dépôts atmosphériques acides : "Les zones forestières soumises aux dépôts atmosphériques acides sont donc d’autant touchées que leur canopée est composée d’essences résineuses",
- Altération des minéraux du sol : "il apparaît que des essences résineuses, comme l’Épicéa commun ou le Pin sylvestre, conduisent à une altération des minéraux 3 à 4 fois plus forte que les essences feuillues, comme le Hêtre ou le Chêne",
- Pertes d’éléments dans les eaux de drainage : "La substitution d’essence peut être à l’origine d’une modification du fonctionnement biogéochimique et microclimatique de l’écosystème qui conduit in fine à une modification des flux de drainage. C’est ce qui a été constaté lorsque l’Épicéa commun remplace des essences feuillues comme le Chêne ou le Hêtre, avec des pertes qui sont multipliées entre 1,5 à 4 fois pour les résineux, au moins lors de la première révolution (tableau III, ci-dessous). Ce résultat implique que la plantation d’essences résineuses sur des stations très pauvres en éléments nutritifs et ayant un régime hydrique très drainant (fortes précipitations annuelles ; texture grossière du sol ; absence d’horizon imperméable) peut conduire à un appauvrissement plus ou moins prononcé du sol",
- Acidité et taux de saturation du sol : "l’acidité (c’est-à-dire des pH bas) et le rapport C/N (5) des sols hiérarchisent les essences de la façon suivante (Augusto, 1999) : (Épicéa et Pin) ≥ (Sapin) ≥ (Douglas) ≥ (Chênes et Hêtre). L’activité biologique des sols étant favorisée par de faibles acidités et rapports C/N, c’est sous les feuillus que celle-ci est, en moyenne, la plus élevée", "L’acidification d’un sol étant définie comme la baisse de son pH et de son taux de saturation, il apparaît que les essences résineuses comme l’Épicéa ou le Pin acidifient en moyenne plus les sols que les essences feuillues",
- Les litières  acides : "L’acidité des litières (pH) et leur difficulté à se dégrader (rapport C/N (Note 5 : C/N = rapport carbone/azote. Plus le rapport C/N d’un tissu organique est élevé, et plus sa dégradation (par la microfaune et la microflore) est rendue difficile)) discriminent les essences en trois groupes (Augusto, 1999) : l’Épicéa commun et le Pin sylvestre ont les litières les plus acides et les moins biodégradables alors que celles des Chênes ou du Hêtre sont moins acides et se dégradent plus vite",
- Diminution de la biocénose et structure du sol : "Le fait le plus remarquable concerne l’importante diminution, voire la disparition, des vers de terre sous l’Épicéa, le Sapin, le Douglas et le Pin par rapport aux essences feuillues (voir Ponge et al., 1986 pour un exemple). La réduction de la pédofaune broyeuse et fouisseuse est probablement causée par l’acidification du sol et les caractéristiques de la litière (dureté, épaisseur des cires, composition). Cette réduction de la pédofaune peut ralentir le recyclage des éléments contenus dans les litières et pourrait être à l’origine de la diminution de la structuration du sol observée par plusieurs auteurs (par exemple : Nys, 1987)."
         Les résineux sont reconnus comme un facteur de podzolisation qui se caractérise par la dégradation des argiles par des acides organiques, signes d'acidification des sols. Cette diminution du pH provoque la formation de complexes entre les molécules organiques et les métaux (fer, aluminium), complexes qui sont ensuite lessivés par les eaux. La podzolisation aboutit donc à un sol (le podzol) acide, pauvre en métaux et donc peu fertile (voir BONNEAU M., A. BRETHES, F. LELONG, G. LEVY, C. NYS et B. SOUCHIER, 1979.- Effets de boisements résineux purs sur l'évolution et la fertilitéé du sol. Rev. For. Fr., XXI-3, 198-207 ou encore Anne-Marie ROBIN, Les sols sur sables soufflés de la forêt de Fontainebleau et leur fragilité BuU. Soc. bot. Fr., 137, Lettres bot. (213), 211-220, (1990)[3]).

c) L'absence de prise en compte de la situation des massifs : le cas de Fontainebleau


Dans son document d'aménagement de la Forêt de Fontainebleau, justement formée de stations très pauvres en éléments nutritifs et ayant un régime hydrique très drainant, que nous analysons en annexe 1, l'aménagiste de l'ONF souligne également les risques occasionnés par l'enrésinement sur les sols et notamment la podzolisation même s'il persiste dans une politique illogique d'augmentation de la surface en pins.
Il est visible que le PRFB, qui ne tire aucune conséquence de son orientation vers l'enrésinement, aurait dû tenir compte de la situation particulière de l'Ile de France et plus encore de ce massif, alors que le code forestier lui impose de donner des orientations. Ceci est d'autant plus préoccupant que les pins semblent souffrir de la sécheresse (annexes 2 et 3). Au regard des objectifs qu'il s'attribue lui-même, il nous semble qu'il est incohérent.

3.         La reconnaissance de principe de l'abandon de la coupe rase


Signe de temps plus raisonnables et de l'efficacité des associations de défense de l'environnement, les autorités forestières reconnaissent enfin les méfaits de la coupe rase (forêt traitée en mode régulier) employée à grande échelle. Il s'agit pour nous de souligner une victoire morale (p. 44) : "Une gestion forestière durable concilie économie et écologie, et doit contribuer à maintenir, voire accroître la diversité des milieux, des espèces et de leur patrimoine génétique. Il est nécessaire d’intégrer la biodiversité dans la gestion courante, et de maintenir et améliorer les fonctions de protection, notamment vis-à-vis du sol et de l’eau. Afin de valoriser la fertilité et la biodiversité des sols forestiers, il est recommandé aux gestionnaires d’éviter les coupes rases, de conserver des arbres âgés lors des coupes d’éclaircie et de régénération pour améliorer l’établissement des semis et leur nutrition, d’augmenter la diversité des essences et des classes d’âge".

Notre joie n'est pas sans mélange, car on sent non seulement une réticence dans cette reconnaissance mais encore l'introduction d'une idée de rajeunissement des peuplements, qui loin d'être positive signifie l'incomplète application de la gestion irrégulière et surtout une augmentation des abattages sous le couvert de "dynamiser la gestion" (p. 65) : "L’analyse des incidences rappelle cependant que ces incidences à priori positives telles qu’elles sont affichées dans le PRFB méritent une traduction opérationnelle concrète. Entres autres, le rajeunissement potentiel de certains massifs pour dynamiser la gestion peut induire une diminution des habitats de vieux bois auxquels sont inféodées des communautés d’espèces remarquables. Des coupes rases aux impacts (pas seulement négatifs) potentiellement importants (notamment paysagers mais pas que, cf. état initial de l’environnement parties « sols » et « risques naturels ») en fonction de leur surface, et des méthodes et matériels employés, peuvent aussi localement être mises en œuvre pour des raisons sanitaires. Des mesures sur les cloisonnements, le choix de moyens de débardage moins mécanisés ou encore le maintien de chablis sur sites peuvent réduire les impacts des coupes rases. Les choix de gestion effectués récemment par l’ONF (vers plus de futaie irrégulière) vont dans le sens d’une diminution de ce type de pratiques en forêt publique".

L'évaluation environnementale reconnaît volontiers l'impact négatif de pratiques attentatoires à la qualité des sols, dont la coupe rase (p. 85) : "Les incidences potentielles de la gestion sur les sols forestiers sont le plus souvent irréversibles, surviennent lors des premiers passages des engins, ne sont pas toujours visibles en surface, et dépendent de plusieurs facteurs. Parmi eux, le niveau d’humidité est le plus important avec les caractéristiques géologiques et biologiques des sols. Les sols plutôt limoneux seront plus sensibles aux impacts de l’exploitation forestière qui concerneront en premier lieu leur structure (compactage, scalpage…), mais aussi leur activité biologique, le système racinaire, les peuplements (des essences sont plus sensibles que d’autres comme le hêtre ou le châtaignier), etc (note 90 : Le guide pratique « PROSOL » publié en 2009 par l’ONF et FCBA permet d’avoir un panorama complet des effets de l’exploitation forestière sur les sols et des mesures pour les atténuer. En ligne sur https://www.onf.fr/produits-services/+/18b::prosol-guide-pour-une-exploitation-forestiere-respectueuse-des-sols-et-de-la-foret.html). Il s’agit donc de mettre en oeuvre des mesures pour ne pas laisser les sols nus, éviter l’altération de la structure des sols (orniérage, scalpage, tassements, compactage, liquéfaction), en évitant les changements d’usages des sols, en optant pour une approche raisonnée des apports d’amendements, en mutualisant les équipements, ou le nombre de passages lors de l’exploitation par exemples. La coupe rase et le dessouchage, mais aussi la collecte du bois mort (rémanents) sur les sols les plus sensibles ont des impacts parfois très négatifs sur la qualité des sols et leurs fonctions écosystémiques."

L'autorité environnementale (Ae) a rendu un avis qui confirme nos positions au moins sur le plan esthétique : "L’Ae observe que l’impact paysager des coupes rases est mentionné mais peu développé dans l’évaluation environnementale. L’Ae recommande de renforcer l’analyse paysagère des coupes rases et de mettre en place des mesures d’évitement et de réduction de ces impacts." (p. 17)

4.         Les impacts négatifs du PRFB et les mesures d'évitement


Le rédacteur du PRFB d'Ile de France est visiblement piégé par des impératifs contradictoires qu'il essaye tant bien que mal de synthétiser dans une formule bancale prise entre un impératif productiviste, l'abandon de l'absolutisme de la futaie régulière (qui générait les coupes rases) et la nécessité de tenir compte du public et de la biodiversité (p. 74)  : "Indépendamment de la volonté globale du PRFB de promouvoir une gestion durable et multifonctionnelle des forêts, l’analyse rappelle par ailleurs le fait que les prélèvements envisagés dans le PRFB et son scénario tendanciel soient inférieurs à ceux inscrits dans le PNFB constitue une mesure de nature à éviter et à réduire les incidences potentielles sur les forêts franciliennes.
A titres d’exemple (et pour répondre à la demande de l’Autorité environnementale dans son avis délibéré du 20 mars 2019 sur le PRFB), il est possible de citer quelques mesures de nature à éviter ou à réduire les incidences potentielles de l’exploitation forestière sur la biodiversité et la trame verte et bleue :
· Privilégier la gestion irrégulière afin de limiter les surfaces de coupe rase sur des superficies d'un seul tenant trop importantes ;
· Maintien/développement de mosaïques de milieux naturels associés à la forêt (landes, clairières, mares...) ;
· Maintien/développement de bois mort, du mélange et du sous-étage ou d’arbres sénescents ;
· Restriction dans les périodes de travaux en fonction de la saisonnalité ou de la météo ;
· Choix d’essences adaptées aux stations ;
· Privilégier la régénération naturelle et la diversité des essences, des peuplements mixtes feuillus-résineux de forêts pluristratifiées et de zones protégées et fermées au public dans les forêts où des îlots de biodiversité sont repérés ; ·  Etc'.

On rappellera que le fait de choisir des essences adaptées aux stations[4] et de tenir compte de la saisonnalité constitue le b-a-ba de la gestion forestière et ne devrait pas être rappelé à des professionnels : nous sommes ravis néanmoins de cette réitération. Il n'en demeure pas moins que le choix de résineux sur des sols déjà appauvris ou sableux risque d'aggraver la situation que le PRFB se défend de vouloir aggraver.

L'évaluation environnementale confirme que la localisation des essences au regard de la station est un élément fondamental (p. 64) : "La gestion forestière a un rôle essentiel à jouer dans cette protection des forêts. Une attention particulière devra être portée sur la superficie et la localisation des plantations potentielles des résineux ou sur le choix des essences utilisées pour diversifier ou rajeunir les massifs franciliens (vieillissants et potentiellement vulnérables aux changements climatiques, cf. partie dédiée de l’état initial de l’environnement). Le développement des boisements parfois très artificiels à vocation productive est souvent synonyme d’une diminution de la biodiversité des milieux forestiers (note 41 : Sources : Buttoud, G. (2003). La forêt, un espace aux utilités multiples. La Documentation Française. 144p.). De l’amont à l’aval, les choix sylvicoles ont un impact sur la biodiversité (définition des lieux de coupes, choix du matériel et des produits utilisés pour le débardage, méthodes du bûcheronnage, etc.)."

L'évaluation environnementale nous apparaît comme allant dans notre sens lorsque l'on doit évaluer l'effet du programme. Il est visible que l'absence de précisions des résultats chiffrés de l'augmentation de la récolte comme d'analyse plus précise des secteurs nuit énormément à la crédibilité du PRFB. Ce rapport environnemental souligne que l'on ne peut conclure à des effets négatifs puisque l'on ne connaît même pas les effets en général !
Ainsi : " L’analyse des incidences conclut à l’absence d’impacts directs du PRFB tel qu’il est défini aujourd’hui, sur les sites Natura 2000. Cependant, son niveau de précision et le fait que les sites Natura 2000 ont été intégrés dans la délimitation des massifs prioritaires ne permettent pas d’affirmer l’absence d’impacts négatifs indirects, au moment de la mise en œuvre du PRFB (et notamment des objectifs de mobilisation du bois).
En effet, si l’intégration des sites remarquables (dont Natura 2000) dans la détermination des massifs prioritaires permet de localiser les sites concernés, et de porter à l’attention des acteurs leur nécessaire prise en compte au moment de la gestion, elle ne s’inscrit pas dans une logique d’évitement des impacts, mais plutôt dans une logique de réduction. L’analyse des incidences porte à la connaissance des acteurs les sites Natura 2000 et rappelle l’enjeu de leur préservation. L’appréciation des impacts éventuels ne peut être mesurée à ce stade de l’évaluation. Le PRFB ne délimite pas finement la localisation des massifs prioritaires, et ne chiffre pas précisément l’effort de chaque massif à la contribution des objectifs régionaux de mobilisation du bois. De plus, il ne précise pas où dans les massifs ces efforts s’appliqueraient, que ce soit en termes d’amélioration, de modifications, de renouvellements des peuplements, de récolte supplémentaires de tel ou tel type d’essences, ou de phasage de la récolte, etc." (p. 135).

Néanmoins, l'évaluation environnementale nous paraît extrêmement sommaire sur l'évaluation des effets de cette "mobilisation" accrue : "Afin de dynamiser et de pérenniser la filière forêt-bois, le PNFB fixe un objectif chiffré de mobilisation supplémentaire à hauteur de +12 millions de m3 de bois mobilisé supplémentaire à horizon 2026. Cette mobilisation supplémentaire « devra porter principalement sur des parcelles en déficit de gestion et sa valorisation devra se faire dans le respect de l'articulation des usages ». Conformément à l’article L. 122-1, le Programme Régional de la Forêt et du Bois (PRFB) décline le programme national de la forêt et du bois dans un délai de deux ans suivant l'édiction du PNFB afin d’adapter à chaque région ses orientations et ses objectifs, « en fonction des spécificités et des enjeux de chaque territoire ». Outre leur concordance avec les grands objectifs du PNFB, les PRFB devront contribuer à cet objectif national d’augmentation de la mobilisation de la valeur ajoutée. Pour l’Île-de-France, l’objectif supplémentaire de mobilisation est fixé à +290 000 m3." (p. 29).
On peut difficilement accepter une conclusion aussi sommaire : "Le PRFB est un plutôt un document sans incidences négatives directes sur l'environnement, qui affiche une transversalité sur les questions forêt-bois de nature à impacter un large panel de composantes environnementales liées notamment à la valorisation des services écosystémiques des forêts et du bois." (p. 122), alors que l'augmentation de la mobilisation des bois en a forcément !
Les mesures ERC (éviter réduire compenser) sont évidemment minorées au regard de l'idée saugrenue d'une absence d'impact.

5.         le respect du cadre juridique : la fixation des objectifs par massifs


L'article L.  122-1 du code forestier dispose : "Dans un délai de deux ans suivant l'édiction du programme national de la forêt et du bois, un programme régional de la forêt et du bois adapté à chaque région les orientations et les objectifs du programme national de la forêt et du bois. Il fixe, par massif forestier, les priorités économiques, environnementales et sociales et les traduit en objectifs. Il définit des critères de gestion durable et multifonctionnelle et des indicateurs associés. Il identifie les massifs forestiers à enjeux prioritaires pour la mobilisation du bois. Il précise les conditions nécessaires au renouvellement des peuplements forestiers, notamment au regard de l'équilibre sylvo-cynégétique, en intégrant, le cas échéant, le programme d'actions mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 113-2. Il définit un itinéraire de desserte des ressources forestières en s'appuyant sur les référentiels géographiques et forestiers de l'Institut national de l'information géographique et forestière. Il définit les actions à mettre en œuvre dans la région".

A cet égard, force est de constater que le projet de PRFB s'abstient d'appliquer la règle suivant selon laquelle il "fixe, par massif forestier, les priorités économiques, environnementales et sociales et les traduit en objectifs". En effet, à part des principes très généraux, on ne peut pas clairement déduire pour chaque massif la répartition des objectifs chiffrés de mobilisation dont le PRFB est pourtant le support !
Une telle conclusion découle évidemment de l'absence d'analyse par massif des capacités et des limites de production.

A titre complémentaire, on notera qu'une déclaration d’intention a été mise en ligne au début du mois d’avril 2018 sur les différents sites Internet des préfectures franciliennes, ainsi que sur le site du Conseil Régional d’Île-de-France, et celui de la DRIAAF. Un droit d’initiative au public a donc été ouvert pendant une durée de 4 mois, en vertu de l’article L. 121-17-1 du Code de l’environnement, c’est-à-dire jusqu’au 5 juillet 2018 à l’adresse mail dédiée (prfb.draaf-ile-de-france@agriculture.gouv.fr).  Il aurait permis d'organiser une concertation plus profonde.
L'évaluation environnementale en tire l'opinion que le PRFB serait consensuel : il n'en est rien, c'est simplement que ce droit d'initiative est encore un peu méconnu et surtout que la publicité de la déclaration d'intention est très faible, faute d'être notifiée aux associations intéressées.

Conclusions


1/ Nous soulignons l'importance de l'abandon du régime de la futaie régulière et de ses coupes rases, de la nécessité d'éviter l'enrésinement dans des stations en péril hydrique ou de podzolisation ou qui rendrait difficile la réimplantation des feuillus ;

2/ Nous constatons :

- l'insuffisance d'explications sur les objectifs annuels de récolte tant sur le fondement de l'étude ADEME-IGN-FCBA de 2016 dont des maxima de récoltes ainsi que sur les modalités d'adaptation à l'Ile de France de cette étude, notamment selon les différents massifs;

- une volonté d'accroissement de l'enrésinement fondée principalement sur des considérations de marché, sans tenir compte des stations et des particularités des massifs;

- l'insuffisance d'évaluation de l'impact de la mobilisation accrue des bois ainsi que l'enrésinement et notamment leurs effets sur les sols et la biodiversité;

- une absence de fixation, par massif forestier, des priorités économiques, environnementales et sociales et leur traduction en objectifs, en violation de l'article L. 122-2 du code forestier;

et par ces motifs,

donnons un AVIS DEFAVORABLE.

La FAPVS77                                                                            La SSFFVS



Annexes

Annexe 1 : analyse du plan d'aménagement de la forêt de Fontainebleau et de la forêt des Trois-Pignons 2016-2035


La Société de Sauvegarde de la Forêt de Fontainebleau
et de la Vallée de la Seine s'inquiète du plan de gestion forestière

Fontainebleau, le 3 avril 2019.
 
La Société de Sauvegarde de la Forêt de Fontainebleau et de la Vallée de la Seine (SSFFVS) a analysé le document d'aménagement qui règle la gestion de la forêt de Fontainebleau et des trois pignons jusqu'à 2035 (annexe).

Il ressort que, comme la SSFVS le réclamait,  l'ONF a abandonné en principe le mode en futaie régulière, qui conduisait à des coupes rases. Toutefois on constate que le document d'aménagement prévoit encore ces coupes à blanc dans certaines zones, en particulier les plus anciennes de la forêt qui sont celles qui présentent justement un intérêt biologique et paysager particulier.

En outre, la futaie irrégulière, pourtant souhaitable en raison de son efficacité et de son caractère protecteur à long terme, n'est pas dans la réalité respectée, puisque l'âge d'exploitation est raccourci comme d'ailleurs le diamètre d'exploitation (on passe de 250 ans à 200 ans pour le chêne sessile). Cela se traduit par un abaissement d'un indice de qualité : la surface terrière, c'est à dire que la rapidité d'exploitation purement comptable se fait au détriment de la circonférence des arbres, qui fait pourtant leur intérêt économique.

Par ailleurs, la SSFFVS a découvert que l'enrésinement va se poursuivre jusqu'à atteindre la moitié des peuplements alors qu'il présente de graves inconvénients pour la biodiversité et la qualité des sols... On ne manquera pas de s’étonner de la position contradictoire de l’ONF qui d’un coté s’alarme de l’enrésinement du massif et de l’autre l’aggrave par son action.
Selon le plan d’aménagement, on constate en grande masse le recul très sensible des feuillus qui passent de 60, 7 % (11757 ha) à 49,3 % (8951,27 ha) au profit des résineux qui passent de 39,4 % (7647 ha) à 50,7 % (9200,15 ha).
En détail, le pin sylvestre devient la principale essence à 49,08 % (8913,52 ha, contre en 2018 : 34,67% soit 6 728 ha) alors qu'il faisait jeu égal avec le chêne sessile (34,40%          6651 en 2018) qui progresse néanmoins à 43,22%          (7848,46 ha). La forêt devient une forêt de pins ce qu’elle n’a jamais été dans le passé, car le pin est une espèce qui a été introduite de manière controversée par Marrier de Boisdhyver sous la Monarchie de juillet, soit dans les années 1830…
Le grand perdant est le hêtre qui passe de 11,53%  (2 237 ha) à 1,01% (182,74 ha) soit une perte de -92% (-2054,26 ha). Le chêne pédonculé est carrément supprimé  des grandes masses (en 2018 : 8,24% soit 1598 ha). On suppose que cette diminution du hêtre ne concerne que les parcelles soumises à l’exploitation et non fort heureusement les réserves biologiques. Néanmoins on ne manquera pas de s’alarmer de cette destruction massive du hêtre qui est, contrairement au pin sylvestre, un des arbres typiques de la forêt de Fontainebleau. En atteste la toponymie de la forêt avec par exemple « Les Grands Feuillards » (les grands hêtres) ou encore « Les Petits Feuillards » (les petits hêtres).

En conclusion, en dépit d’un exposé des motifs et des objectifs tout à fait louables et qui vont dans le sens du respect du paysage et de la biodiversité, le plan d’aménagement renoue hélas largement avec des habitudes productivistes et une orientation interventionniste discutable dont l’expérience a montré les dommages qu’elle avait déjà causé au massif de Fontainebleau.

La SSFFVS demande à l'ONF de recourir à une vraie futaie irrégulière et d'arrêter sa politique d'enrésinement. Si cette politique devait être poursuivie, elle risquerait de dégrader de manière sérieuse un massif qui risquerait de perdre ses chances d'être classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.



Introduction

Par arrêté ministériel du 5 avril 2018, le plan d'aménagement de la forêt de Fontainebleau et de la forêt des Trois-Pignons 2016-2035 a été approuvé.

Ce plan semble faire la critique du mode de futaie régulière qui conduit à la coupe rase (Note : à la place de coupe rase ou coupe à blanc étoc, l'aménagiste a choisi le terme technocratique de "régénération en plein").

Cependant, il comporte des éléments inquiétants :
- un futaie irrégulière qui ne porte que nom avec un raccourcissement du délai et du diamètre d'exploitation des arbres, traduisant un réduction de la surface terrière, sans l'abandon de certaines coupes rases (I);
- une augmentation de l'enrésinement et la quasi-disparition du hêtre (II).
I. le mode de gestion
a. Une critique officielle du traitement régulier

L'aménagiste critique officiellement le traitement régulier au profit du traitement irrégulier :
- il démontre que le sol de Fontainebleau est incompatible avec ce traitement (1);
- il considère les désavantages en terme d'esthétique, encore que de manière incohérente (2);
- il note encore que les plantes invasives sont favorisées par les coupes rases (3).
1. Une pratique inadapté au sol sec

La p. 3 du document d'aménagement indique :
"Par rapport au document d’aménagement précédent, le traitement irrégulier est étendu. L’application de ce mode de traitement, qui maintient un couvert permanent de grands arbres, tient en partie à des considérations purement sylvicoles : sur les sols secs où la résilience de la forêt est faible, les régénérations en plein, suite à la récolte totale des vieux arbres, posent de gros problèmes techniques, en aggravant les conditions défavorables au développement des jeunes pousses".

            La page 20, le confirme :
"Enfin, le troisième risque tient lui aussi à la texture sableuse des horizons superficiels de certains sols. Les études menées dans les réserves biologiques intégrales sur l'évolution des réserves en eau du sol, au cours de l'année, ont confirmé en plein découvert un asséchement précoce et rapide dans les couches superficielles du sol à la fin du printemps pouvant aller jusqu'au point de flétrissement permanent (FARDJAH, 1978)".

2. Un traitement paysager plus que discutable

Le plan d'aménagement reconnaît que le traitement paysager du mode régulier est très discutable (p. 73) :
"Le traitement régulier compose certes des paysages parmi les plus recherchés et les plus appréciés, c’est-à-dire les hautes futaies avec des sous-bois dégagés et relativement clairs, donnant une impression de majesté. Mais, dans son principe-même, lorsque les peuplements sont parvenus à leur apogée, ils sont alors récoltés sur un laps de temps relativement court lors des opérations de régénération en plein. Ces interventions sont, depuis la naissance du tourisme en forêt il y a bientôt deux siècles, les plus décriées. En effet, elles restent perçues comme destructrices alors même qu’elles se justifient par le souci de perpétuer globalement l’état forestier. En cela, le traitement régulier, par les impacts paysagers ponctuels mais localement forts qu’il donne à voir, génèrent immanquablement des récriminations et des frustrations. Le traitement irrégulier propose des paysages peut-être moins remarquables, mais maintient ceux-ci à l’échelle de perception (temporelle et spatiale) d’un visiteur et assure une relative stabilité pour l’usager et le riverain".

            Le document d'aménagement comporte portant certains contresens e faisant croire que la coupe rase est justifiée par les futaies de chênes : "Dans le dernier cas, c’est donc la volonté de vouloir pérenniser des futaies des chênes et de donner à voir aux générations futures des futaies telles que celles que l’on peut contempler aujourd’hui qui justifient le recours à des régénérations en plein, pourtant si sujettes à récriminations.
Les conflits durs et périodiques à Fontainebleau démontrent que la seule intention louable de perpétuer des futaies de chêne ne saurait nécessairement justifier aux yeux des usagers des coupes de régénération importante. Ces opérations contestées s’accompagneront donc de diverses mesures destinées à amortir leur impact paysager et écologique. Ces mesures seront détaillées dans la suite du document. Mais on peut toutefois insister à ce stade sur la première d’entre elles, à savoir que les parcelles, d’une surface unitaire moyenne d’une vingtaine d’hectares et généralement homogènes, seront fractionnées pour limiter la surface unitaire des unités à régénérer.
Nous sommes donc sur le principe d’un traitement régulier, mais avec un émiettement et un fractionnement des parcelles à régénérer (sans que l’on parle de futaie par parquets, car les unités à régénérer sont déjà cartographiées et d’une surface unitaire suffisante pour constituer une unité de gestion à part entière), qui vise à réduire la surface unitaire des unités de gestion"
3. Un mode favorisant les espèces invasives

Le traitement irrégulier est reconnu comme meilleur protecteur que les coupes rases :
"Localement, le traitement irrégulier est retenu en raison de la présence significative d’espèces invasives, notamment la plus problématique de toutes, à savoir le Cerisier Tardif Prunus serotina. En première approche, il semble en effet moins difficile de contenir cette espèce en optant pour le traitement irrégulier : gestion plus opportuniste, travaux périodiques. A l’inverse, l’expérience montre que le Cerisier tardif est un redoutable concurrent dans les régénérations en plein. Plus généralement, il est considéré que moins le milieu est perturbé, et moins les plantes invasives s’expriment. Notons toutefois le caractère sciaphile du Cerisier tardif, qui lui  permet de s’implanter même sous un couvert forestier ; le plein découvert n’est pas une condition nécessaire à son développement".
b. Des nouveaux choix qui restent très contestables

Ces choix qui semblent aller dans le bon sens cachent malheureusement des décisions plus discutables :
- une durée et des diamètre d'exploitation plus faible (1, 2)
- la poursuite des coupes rases sur les parties les plus anciennes au lieu de passer à une conversion (3).


1. La faiblesse de l'âge et du diamètre d'exploitation

D'autres éléments démontrent que la futaie irrégulière n'est pas respectée dans son principe, puisque l'âge d'exploitation est raccourci comme d'ailleurs le diamètre d'exploitation :
EXPLOITATION
AGE
DIAMETRE

aménagement
2009-2015 (p. 47)
aménagement
2018-2035
Variation


ans
ans
ans
cm
Chêne sessile
250
200
-50
70
Chêne pédonculé

160
160
60
Chêne pubescent
250
150
-100
45
Hêtre
120
100
-20
45
Frêne

60
60
60
Pin sylvestre
120
100
-20
50
Pin laricio

80
80
55
Douglas

80
80
65
Epicéa

60
60
50
Pin maritime

60
60
50

2.Une surface terrière très faible
a) Définition

La surface terrière (notée « G ») est une grandeur qui quantifie la concurrence entre les arbres d'un peuplement forestier. Elle est principalement utilisée en sylviculture et en écologie forestière.
Cet indice correspond, pour un arbre donné, en France, à la surface de la section d'un arbre mesurée à 1,30 mètre du sol (environ 4,5 pieds de hauteur dans le système anglo-saxon, et autrefois « à hauteur d'épaule »).
La surface terrière totale ou moyenne d'une aire donnée (arbres dispersés, alignés ou peuplement forestier, agrosylviculture, bocage, verger, parc urbain, etc.) peut être calculée par la somme des surfaces terrières de tous les arbres de cette aire ; elle s'exprime habituellement en m²/ha. Le nombre calculé pour un ha permet une extrapolation approximative pour une surface homogène plus grande.
b) Surface terrière proposée

P. 97 de l'aménagement, on trouve l'indicateur de surface terrière en ce qui concerne la  Futaie irrégulière et futaie jardinée : forêts ou parties de forêts à suivi non surfacique du renouvellement :



Cet indicateur trahit une grave difficulté car en réalité une futaie irrégulière a une surface terrière qui doit se situer entre 35 et 45 m2/ha (selon les espèces ligneuses présentes).

On peut donc estimer qu'un renouvellement à une moyenne de 14m²/ha constituerait un renouvellement inférieur de moitié à ce qui doit être normalement attendu.

3.         La continuité des coupes rases

Nous notons que les coupes rases vont continuer jusqu'à épuisement des anciennes sections en futaie régulière, selon un extrait du contrat 2018-2022 forêt d'exception approuvé par le conseil municipal de Fontainebleau du 17 décembre 2018 :

"L'aménagement forestier de Fontainebleau et Trois-Pignons a été approuvé le 5 avril 2018 après une large concertation menée dans le cadre du projet Fontainebleau Forêt d'Exception®.
Il expose en particulier les orientations suivantes

- Plus de futaie irrégulière. Par rapport au document d'aménagement précédent, le traitement irrégulier est étendu. L'application de ce mode de traitement, qui maintient un couvert permanent de grands arbres, tient en partie à des considérations purement sylvicoles : sur les sols secs où la résilience de la forêt est faible, les régénérations en plein, suite à la récolte totale des vieux arbres, posent de gros problèmes techniques, en aggravant les conditions défavorables au développement des jeunes pousses. Cette option est également motivée en cas de fortes sensibilités paysagères en contexte péri-urbain ou pour des raisons écologiques, lorsque le maintien d'un peuplement présentant des arbres adultes est nécessaire. Le traitement régulier, supposant la gestion d'un collectif d'arbres et une récolte quasi-simultanée de ceux-ci en fin de cycle, n'est toutefois pas complètement écarté. Celui-ci s'impose localement lorsque les arbres présents sont de toute façon du même âge et parviendront à maturité dans le même laps de temps. Ceci concerne notamment les anciennes plantations, qu'il s'agisse de chênes plantés au début XlXème siècle ou de pins plantés plus récemment. Cette option technique est donc en grande partie commandée par les méthodes passées, lorsque la forêt de Fontainebleau fit l'objet d'investissements considérables. Les régénérations en plein ciblent donc quasi exclusivement les peuplements à très haute valeur patrimoniale et économique, que sont les futaies de chêne âgées. li s'agit par ailleurs de peuplements que la dynamique spontanée feraient irrémédiablement disparaître, puisqu'après la maturité sylvicole et la sénescence, ils évoluent naturellement vers la pinède ou la hêtraie. Si les régénérations en plein, qualifiées de « coupes rases » par le public, vont devoir perdurer, leur mise en oeuvre s'accompagne d'un cortège de mesures visant à amortir leur impact paysager et écologique. Au premier rang de ces mesures, on trouve le principe d'un émiettement, d'un fractionnement, qui vise à diminuer la surface unitaire des zones à régénérer. La régénération des vieilles plantations s'étale donc dans le temps, et est éclatée en plusieurs points à un instant précis".
Synthèse des surfaces selon les modes de gestion

On peut prendre le tableau suivant du document d'aménagement :


et en tirer l'analyse suivante :
Etat 2018
Objectif 2035
Variation 2018-2035

%
ha
%
ha
%
ha
Mode de gestion
9%
1 402,82
68%
12262,49
59%
10859,67
futaie irrégulière
83%
13 644
32%
5888,93
-51%
-7755,07
futaie régulière


0%
9,88


non défini
6%
977,31




futaie par parquet
2%
371,72




Taillis
100%
16 395,85
100%
18161,3
11%
1765,45




II. Les choix en matière de peuplements : une augmentation de l'enrésinement
Nous analysons le tableau de synthèse composée à partir des informations de l'arrêté d'aménagement :


FORET DE FONTAINEBLEAU ET DES TROIS PIGNONS








Peuplements
Etat 2018 (p. 28)

Objectif 2035 (p. 90)

Variation 2018-2035


%
ha
%
ha
%
ha
chêne sessile
34,40%
6651
43,22%
7848,46
18%
1197,46
chêne pédonculé
8,24%
1 598




hêtre
11,53%
2 237
1,01%
182,74
-92%
-2054,26
autres feuillus
2,19%
425




chêne pubescent
1,50%
291
4,00%
726,81
150%
435,81
châtaigner
1,71%
331




bouleau
1,15%
224
0,45%
80,9
-64%
-143,1
feuillus hygrophiles (aulnes, frènes)


0,62%
112,36


Sous-total feuillus
60,71%
11 757,00
49,29%
8 951,27
-24%
-2805,73
pin sylvestre
34,67%
6 728
49,08%
8913,52
32%
2185,52
pin maritime
2,78%
539




pin laricio
1,57%
304
1,58%
286,63
-6%
-17,37
autres résineux
0,39%
76




Sous-total résineux
39,41%
7 647,00
50,66%
9 200,15
20%
1553,15
autres essences


0,05%
9,88


Sous-total autres


0,05%
9,88


Total forestier
100%
19 404,00

18 161,30



On constate en grande masse le recul très sensible des feuillus qui passent de 60, 71 % (11757 ha) à 49,29 % (8951,27 ha) soit une baise de 20 % au profit des résineux qui passent de 39,41 % (7647 ha) à 50,66 % (9200,15 ha) soit une augmentation de 24 %.

En détail, le pin sylvestre devient la principale essence à 49,08 % (8913,52 ha, contre en 2018 : 34,67% soit 6 728 ha) alors qu'il faisait jeu égal avec le chêne sessile (34,40%          6651 en 2018) qui progresse néanmoins à 43,22%           (7848,46 ha).
Le grand perdant est le hêtre qui passe de 11,53%  (2 237 ha) à 1,01% (182,74 ha) soit une perte de -92% (-2054,26 ha). Le chêne pédonculé est carrément supprimé  des grandes masses (en 2018 : 8,24% soit 1598 ha).

Tout cela traduit un appauvrissement des espèces et la poursuite d'un enrésinement.

En ce qui concerne le pin, le plan d'aménagement dénonçait pourtant le risque de podzolisation, c'est à dire la dégradation est un type de sol lessivé qui se forme sous les climats froids et humides sur substrat au pH très acide et qui est très peu fertile pour l'agriculture :
"Le traitement irrégulier est étendu à la majeure partie de ces forêts. Et ce pour les raisons suivantes : [...] Toujours en ce qui concerne les sols les plus pauvres, nous avons signalé le risque fort d’une podzolisation accélérée en présence de peuplements résineux purs. De tels peuplements sont par ailleurs taxés d’une valeur écologique et paysagère moindre. Aussi, on s’attachera à maintenir autant que possible le caractère mixte des peuplements mélangés feuillus-résineux. On ce mélange intime semble devoir être davantage garanti avec un traitement en futaie irrégulière. Outre le fait que les chênes et pins n’ont pas le même terme d’exploitabilité, l’expérience montre que les régénérations en plein font la part belle au Pin sylvestre, mieux adapté à ces situations de plein découvert sur des sols maigres. Et la part des feuillus s’érode alors inexorablement".
Même si les vertus de la futaie irrégulière sont reconnues, on ne comprend pas alors la progression du pin !



Annexe 2 : le parisien du 6 août 2019  : "Seine-et-Marne. Pins et hêtres dépérissent dans le massif de Fontainebleau"


Les sécheresses successives ont provoqué un déficit d'eau en forêt de Fontainebleau. À plus ou moins long terme, le réchauffement climatique va redessiner les futaies.

Publié le 6 Août 19 à 20:08

Certains sites pourraient être temporairement fermés (©Drone ONF//Agence Ile-de-France Est)

Des résineux rougis, des feuilles de hêtres jaunies en été… Pas besoin d’être un expert en sylviculture pour constater que les peuplements forestiers sont mis à rude épreuve, ces dernières années. Dans les massifs de Fontainebleau, il suffit de balader son regard pour percevoir les effets directs du réchauffement climatique. Des hivers moins rigoureux et des précipitations moins bien réparties.
Espèces en voie de disparition
Résultat : la sécheresse décime certains arbres. C’est le cas notamment des pins qui dépérissent, comme les sapins de Noël dont il faut ramasser les épines à la fin des fêtes.
« L’année 2018, marquée par une sécheresse exceptionnelle de juin à octobre a été la plus chaude jamais enregistrée par Météo France depuis 1900 », rappelle Pierre-Edouard Guillain, le directeur de l’agence territoriale de l’ONF Île-de-France Est.
Constituée à 42 % de chênes, 40 % de pins et 11 % de hêtres, la futaie de Fontainebleau est en train de perdre une partie de ses arbres. « Les pins supportant mal le manque d’eau s’assèchent, rougissent et perdent petit à petit leurs aiguilles ». Plus vulnérables aux attaques de parasites (larves d’insectes et champignons notamment), nombreux meurent, et rapidement, en six mois chrono.
Hêtres ou ne pas hêtres
Mais le phénomène affecte aussi l’ensemble du massif, et particulièrement les arbres situés dans certaines zones en particulier les chaos rocheux. « On ne va pas capitaliser sur le hêtre non plus, poursuit le directeur. On sait que son écologie ne lui est pas très favorable dans un contexte de changement climatique et certains sont déjà condamnés. » C’est pourquoi, l’Office nationale des forêts lance une prospection sur le terrain en vue d’effectuer un état des lieux précis. Analyse d’images satellites, survols de drones : il s’agit de surveiller les sites touchés afin de sécuriser les secteurs recevant du public le long des sentiers balisés, en bord de route et dans les aires d’accueil.
« Les arbres morts présentant un danger pour le public seront progressivement retirés. Toutefois, certains sites nécessitant des travaux trop importants pourront faire l’objet d’une fermeture temporaire », précise Pierre-Edourad Guillain.
Alors, demain, à quoi la forêt ressemblera-t-elle ? L’ONF ne se veut pas alarmiste. Qu’on se rassure, sur les 22 hectares que forme l’ensemble Fontainebleau, Trois Pignons, Commanderie, tous les pins ne sont pas morts.
La forêt d’hier et de demain
« En 20 ans, la forêt ne va pas se transformer soudainement, rassure le directeur. Mais il faut réfléchir sur son devenir, sur nos choix d’essences. Notre métier, c’est de faire prendre conscience des changements climatiques et d’anticiper. »
En clair, faut-il continuer à planter ce qui est actuellement produit à Fontainebleau ou se tourner vers d’autres espèces ? Que faut-il préparer pour dans un siècle ? En tout cas, pour l’ONF, il ne faut pas avoir une représentation immuable de la futaie, en perpétuelle évolution. « La forêt que nous connaissons aujourd’hui, constituée de chênes et de pins n’est pas la forêt d’hier et ne sera pas la forêt de demain. » Et de rappeler : « Ce n’est qu’à partir de Napoléon III que les hommes ont planté 4000 hectares de pins, avant, on faisait paître des animaux. »
Alors, forestiers et scientifiques travaillent ensemble à chercher des solutions face à un phénomène susceptible de se répéter à l’avenir. Des tests sont menés par les chercheurs de l’ONF et de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique). Ils visent à détecter les espèces d’arbres susceptibles d’opposer une plus forte résistance et une meilleure résilience à ces phénomènes météorologiques intenses. En attendant, pas question de perdre les bois morts qu’il conviendra de valoriser au mieux : bois énergie, panneaux de particules, palettes… « On va essayer de ne pas perdre ce que la nature nous a donné pendant plusieurs années. »
Un écosystème qui évolue
Mais c’est tout un écosystème que le manque d’eau affecte, pas seulement les arbres. « La bruyère, l’année dernière n’était pas en forme pendant l’automne », se souvient Pierre-Edouard Guillain. La forêt perdait, en effet, une partie de ses couleurs.
L’ONF suit également particulièrement la faune avicole et le gibier, devenu plus chétif par manque de nourriture. « Les sangliers et les cerfs ont changé leur localisation, à la recherche de points d’eau et se sont rabattus sur le Loing, quand les mares se sont retrouvées à sec, du côté de Montigny, de Moret et de Larchant. » Si l’office nationale des forêts n’a néanmoins pas constaté un taux de mortalité en augmentation, les agents sont attentifs aux conséquences de la sécheresse sur les oiseaux. « Les conditions climatiques peuvent avoir des effets sur la disponibilité des insectes qu’ils mangent. C’est tout un éco-système qui va évoluer. La question est de savoir si cet écosystème est résilient ou si c’est une source de basculement vers un changement avec des espèces différentes. » Et de conclure, positif : « J’ai une confiance personnelle dans la capacité du vivant. La nature est parfois impressionnante. »

Vanessa RELOUZAT

 



Annexe 3 : La république de Seine et Marne du 11 août 2019  : "Seine-et-Marne : les pins de la forêt de Fontainebleau meurent de la sécheresse"



Les épisodes de fortes chaleurs et le manque de pluie causent la mort rapide et préoccupante de conifères dans le massif.
Fontainebleau, le 7 août. Les pins asséchés roussissent et meurent à un rythme préoccupant. Drone ONF/Agence Ile-de-France

Par Margot Zaparucha
Le 11 août 2019 à 09h53, modifié le 11 août 2019 à 19h19

En se baladant en forêt de Fontainebleau , on peut désormais observer des pins aux épines rousses. Détonants en plein mois d'août, ces arbres sont en fait morts.
L'Office national des forêts (ONF) vient de lancer un état des lieux afin de mesurer l'ampleur de ce phénomène en pleine évolution.
Canicule et manque de précipitations
Le pin, contrairement aux arbres feuillus, est vert toute l'année. S'ils roussissent par poches entières dans la forêt de Fontainebleau, c'est que les conifères n'ont plus d'eau.
« Avec un automne très sec, et deux épisodes caniculaires dans l'été, on est dans une succession problématique », explique Pierre-Edouard Guillain, directeur de l'agence de Fontainebleau de l'ONF.
Les pins, qui composent 40 % de la forêt de Fontainebleau, sont visiblement marqués par le dérèglement climatique. En plus, les sols pauvres et sableux de certaines zones de la forêt retiennent difficilement l'eau. C'est le cas près de la commune d'Arbonne-la-Forêt, où les pins meurent par poches entières.
« Ces arbres avaient survécu à la canicule de 2003 ! »
François Faucon, forestier responsable de ce secteur à l'ONF, est inquiet. « J'ai remarqué un effet de masse début juin », précise-t-il. Équipé d'un drone, il tente de circonscrire les zones touchées par ces morts presque subites des pins de la forêt.
Un premier travail de repérage par images satellites a été réalisé. Sur le terrain, les agents de l'ONF estiment la quantité de pins desséchés à 100 ou 200 hectares.
Forêt de Fontainebleau, le 7 août. Francis Faucon, forestier, évalue l’état des pins d’un secteur de la forêt grâce à un drone. LP/Margot Zaparucha  

Si la forêt de Fontainebleau compte au total 22 000 hectares, le phénomène reste préoccupant : « Nous n'avions jamais vu ça auparavant, assure le forestier. Pourtant, ces arbres avaient survécu à la canicule de 2003 ! »

En désignant une branche aux épines roussies, François Faucon atteste de l'urgence du problème : « Là, l'arbre est déjà touché, on n'y peut plus rien. Dans trois semaines, il sera complètement mort. »
Des risques accrus pour le public
Le diagnostic exact devrait être connu à la mi-septembre. D'ici là, la priorité est la sécurité du public, dans des zones très fréquentées. Le secteur de François Faucon est proche du site d'escalade d'Isatis, très prisé des grimpeurs.
« Début juin, on a déjà abattu les arbres morts qui longent la route de l'ermitage, mais d'autres ont roussi depuis », constate le forestier. Une fois mort, l'arbre risque de perdre ses branches ou de tomber tout entier.
Forêt de Fontainebleau, le 7 août. Quand les pins s’assèchent, ils deviennent fragiles et sensibles aux insectes. Ici, ils ont perdu leur écorce. LP/Margot Zaparucha  

L'autre problème de la sécheresse du bois, c'est qu'elle accroît le risque d'incendie . « Un départ de feu ici serait extrêmement violent », craint Francis Faucon qui retrouve régulièrement des restes de feux de bivouac, pourtant interdits.
Les zones touchées ne seront pas replantées
Après l'atterrissage du drone, le constat est flagrant. « Dans la zone survolée, on compte déjà bien trente hectares touchés », souligne le sylviculteur.
Pour autant, l'ONF ne viendra pas replanter dans ces zones. En forêt, on compte sur la régénération naturelle des arbres, et on laisse la nature faire son travail.
La forêt de Fontainebleau, classée Natura 2 000, ne peut accueillir que des espèces autochtones, principalement des chênes, des pins et des hêtres.
Le temps de la nature est plus long que celui des hommes : pour que des pins arrivent à maturité et viennent remplacer ceux abattus cet été, il faudra attendre quarante ans.





[1]           NDA : EAB : l'enquête annuelle de branche « Exploitations forestière » vise à connaître la récolte de bois des exploitants forestiers professionnels.
[3]                      Nous en citons les conclusions : "Les sables soufflés, enrichis en particules fines ferromagnésiennes par rapport aux sables stampiens sont pédogénisés de manière très variable selon leur épaisseur : les sols minces sont liés au calcaire sous-jaeent, les sols d'épaisseur moyenne présentent un profil lessivé, dont la fragilité se traduit par une fréquente acidification de surface. Celle-ci oriente alors les sols épais vers la podzolisation qui reste d'un type "meuble" lorsque la végétation est feuillue, mais qui s'accentue vers une induration si la Callune (ct le Pin), espèces à C/N élevé, interviennent. La nature de l'horizon Bh est alors à comparer à l'extrême aliotique sur sables stampiens sur lesquels seule cette végétation, peu exigeante, peut désormais pousser.
            Le sol étant le capital de la forêt, la conscience de notre influence directe sur l'évolution du sol peut sans doute nous aider à choisir les espèces à implanter."
[4]           Une station est "une étendue de terrain de superficie variable (quelques mètres carrés à plusieurs dizaines d'hectares), homogène dans ses conditions physiques et biologiques : mésoclimat, topographie, géomorphologie, sol, composition floristique et structure de la végétation spontanée" (voir IFN/IGN Les outils d’aide à la reconnaissance des stations forestières et au choix des essences, novembre 2006).