Conseil d'Etat
statuant
au contentieux
N° 102268
Inédit au recueil Lebon
2 / 6 SSR
Mme Chemla, rapporteur
Dutreil, commissaire du gouvernement
lecture du lundi 12 octobre 1992
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 septembre 1988 et 24 janvier 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS, dont le siège social est à la Mairie d'Episy à Moret-sur-Loing (77250) ; l'association demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de la lettre du 4 mars 1987 du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports donnant son accord pour des travaux d'aménagement de la route nationale 7, de la décision ministérielle du 24 juin 1987 autorisant lesdits travaux, et des marchés conclus pour leur réalisation ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-429 du 10 juillet 1976 et le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour son application ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 et le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 pris pour son application ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Chemla, Auditeur,
- les conclusions de M. Dutreil, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives à l'annulation de la décision du 4 mars 1987 :
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la demande présentée par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS tendait notamment à l'annulation de la décision du 4 mars 1987 du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports ; que le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 24 juin 1988 qui n'a pas répondu aux conclusions dirigées contre cette décision est, dans cette mesure, entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de l'association requérante tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 1987 précitée ;
Sur la recevabilité de la demande de l'association en première instance :
Considérant que l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS, qui a pour but "la protection des sites et de l'environnement et la lutte contre les nuisances de toutes sortes", a, en l'espèce, eu égard aux fins ainsi poursuivies, et à l'objet des décisions attaquées, qui concernent une partie de la forêt de Fontainebleau proche de la vallée du Loing, intérêt à l'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions combinées de la loi du 12 juillet 1983, relative à la démocratisation des enquêtespubliques et à la protection de l'environnement, et du décret du 23 avril 1985 pris pour son application que, si les travaux d'entretien ou de grosses réparations ne sont pas soumis à une enquête publique préalable, quels que soient les ouvrages ou aménagements auxquels ils se rapportent, les travaux d'investissement routier d'un montant supérieur à 12 000 000 F, conduisant à la création de nouveaux ouvrages ou à la modification d'assiette d'ouvrages existants, doivent être précédés d'une enquête publique, l'application de ces seuil et critère devant tenir compte de l'ensemble de l'opération en cas de réalisation fractionnée d'une même opération ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions combinées de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et du décret du 12 octobre 1977 pris pour son application que les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences, sauf, notamment, s'il s'agit de travaux de renforcement sans modification d'emprise exécutés sur une voie publique, de travaux d'entretien ou de grosses réparations, ou d'aménagements, d'ouvrages, et de travaux dont le coût total est inférieur à 6 000 000 F, le montant à retenir étant, en cas de réalisation fractionnée, celui du programme général ;
Considérant que, par lettre du 4 décembre 1987, le ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports a décidé d'approuver des travaux routiers portant sur 12,560 kms de la section Fontainebleau-Nemours de la RN 7, et a fixé à 66 200 000 F le montant global de l'opération ; que ces travaux, qui consistaient principalement en la mise à deux fois deux voies de cette section, et n'avaient ni le caractère de travaux d'entretien et de grosses réparations, ni celui de travaux de renforcement sans modification d'emprise, devaient, en raison de leur montant, être précédés d'une part d'une enquête publique, et, d'autre part, compte tenu en outre de leur incidence sur le milieu naturel, d'une étude d'impact ; que si, par lettre du 9 décembre 1987, d'ailleurs postérieure, le ministre a décidé le financement immédiat d'une partie de ces travaux, portant sur 6,570 kms, dont le montant de 30 900 000 F était, en tout état de cause, supérieur aux seuils fixés par les décrets des 12 octobre 1977 et 23 avril 1985 précités, cette réalisation fractionnée d'une même opération ne pouvait avoir pour effet de dispenser l'administration de faire procéder à une enquête publique et à une étude d'impact préalables ; qu'en l'absence de celles-ci, le ministre ne pouvait légalement autoriser les travaux sur une partie de la section Fontainebleau-Nemours de la RN 7 par sa décision du 4 mars 1987 qui doit être annulée ;
Sur les conclusions relatives à l'annulation de la lettre du 24 juin 1987 du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, et de l'autorisation donnée par le ministre de l'agriculture d'incorporer au domaine public routier national des parties de la forêt domaniale de Fontainebleau :
Considérant que l'association requérante ne développe aucun moyen permettant d'apprécier le bien-fondé de ces conclusions qui, dans ces conditions, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions relatives à l'annulation des décisions relatives à la conclusion des marchés passés pour la réalisation des travaux :
Considérant que si les conclusions de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS doivent être regardées comme tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande relative à des "décisions relatives à la conclusion de marchés passés pour la réalisation des travaux autorisés par la lettre du 4 mars 1987", la requérante ne fournit aucune précision quant à ces décisions ; que, dans ces conditions, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 24 juin 1988, en tant qu'il n'a pas répondu aux conclusions de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS dirigées contre la décision du 4 mars 1987 du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, et la décision du 4 mars 1987 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA VALLEE DU LOING ET DES SITES ENVIRONNANTS et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.