Ile-de-France : changement d'écosystème pour les forêts ?

Ile-de-France : changement d'écosystème pour les forêts

L'Office national des forêts modifie en profondeur sa gestion sylvicole en Ile-de-France, à la satisfaction générale. Les mesures prises devraient satisfaire riverains, associations et promeneurs.
Une révolution est en cours dans le monde des forêts domaniales d'Ile-de-France. L'Office national des forêts (ONF) modifie son mode de gestion de la forêt et sa coupe des arbres. Ainsi, il abandonne la sylviculture en futaies régulières au profit d'une exploitation en futaies irrégulières. Il s'agit de passer de coupes blanches, sévères, à un mode de gestion plus doux, plus respectueux des arbres et de la biodiversité. "Pour les habitants, il était traumatisant de voir un pan de forêt abattu. Ils y percevaient un élément de destruction de la nature", témoigne Ghislaine Senée, maire (EELV) d'Evecquemont (Yvelines), dont le territoire est à 60% situé sur la forêt de l'Hautil.
"En futaies régulières, les arbres d'une même essence – chêne ou pin sylvestre – et d'un même âge sont abattus ensemble. Ce sont des coupes rases qui marquent le paysage sur 2, 3 ou 4 hectares", explique Michel Béal, directeur de l'agence de Versailles de l'ONF. En futaies irrégulières, mode désormais adopté, on effectue au sein d'une même parcelle les coupes de manière à faire cohabiter des sujets d'âge et d'essences différents. Avantage : le couvert forestier est maintenu, la forêt n'est plus agressée. "Autre avantage, un respect de la biodiversité : les arbres rescapés constituent des corridors où vivent insectes et oiseaux, faune et flore", déclare Guy Giménes, président du collectif Sauvons nos arbres (situé à Saint-Léger-en-Yvelines).

La coupe brutale des futaies est abandonnée

Ce mode de gestion est bien accueilli parmi les agents de l'ONF. "Les futaies irrégulières demandent de bien connaître l'écologie des arbres. Ce travail, qui exige un soin particulier, est plus valorisant pour le forestier", reconnaît Christian Maudua, responsable ONF de l'unité territoriale de Fontainebleau. Cette nouvelle forme de gestion concernera en Île-de-France les feuillus – chênes, châtaigniers, érables, frênes – en commençant par les forêts les plus urbaines : massif de l'Arc-Boisé (Val-de-Marne), forêts de Meudon, Fausses-Reposes, Bois-d'Arcy, Marly, Port-Royal, Versailles. Le délai est celui de la sylviculture, nécessairement long : sept ans. "Mais nous voulons aller vite. Nous réécrivons nos documents de gestion prévus sur vingt ou vingt-cinq ans", précise Michel Béal.
Ce nouveau mode de gestion des forêts résulte d'une concertation avec les élus et les associations, et d'expérimentations (Sénart depuis 2012 et Fontainebleau depuis 2014). Souvent en conflit avec les associations et les riverains – certains militants Verts s'enchaînaient aux arbres pour éviter qu'ils ne soient abattus – l'ONF a fait son aggiornamento. "Le public de plus en plus urbain ne comprend pas la technique des futaies régulières. Or les forêts, organismes vivants, ont besoin d'interventions. Nous avons donc adapté nos méthodes de gestion en fonction de la demande sociale", remarque Michel Béal.

Gouvernance participative

Parallèlement, l'ONF reprend en main l'exploitation forestière en Île-de-France. Depuis des lustres, l'ONF vendait les bois "sur pied" avec un transfert de la propriété des arbres, l'acheteur ayant la charge de couper et de transporter les bois dans les deux ans. Désormais, l'ONF encadre et surveille les chantiers d'exploitation. La commercialisation des bois se fait sous forme de "bois façonné bord de route" que les professionnels doivent enlever dare-dare. "Nous disposons donc d'une maîtrise qualitative des chantiers et du calendrier des coupes pour prévenir le public", justifie Michel Béal. "C'est une mesure bienvenue, assure Ghislaine Senée. Certaines entreprises manquaient de soin dans leur travail. La tension était telle que certaines associations faisaient faire un constat d'huissier avant et après leur passage." Cette pratique est assurée à 40% en Île-de-France. Objectif : aller, dans les cinq ans, vers 60 %, et même à 100% pour les forêts proches des centres urbains.
Enfin, l'ONF a décidé de mettre en place une nouvelle gouvernance participative dans les 15 comités de forêts, réunissant ONF, élus et associations. Il en existe pour les forêts de Saint-Germain, Montmorency, Rambouillet, Fontainebleau. "Il s'agit de faire de ces comités des lieux de concertation sur des sujets comme l'accueil du public ou l'écologie de la forêt", précise Michel Béal. Ces mesures constituent une "petite victoire pour nous", selon Guy Giménes, une "avancée", selon Ghislaine Senée. "Mais j'attends, dit-elle, de voir comment ces mesures vont se traduire sur le terrain. Je constate que l'exploitation forestière productiviste, à l'image de l'agriculture industrielle, perd du terrain au profit de modes plus respectueux de la nature et des gens."